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CHAPITRE XV

Autre remarque sur le sujet de la croyance des événements.


Il y a encore une autre remarque très-importante à faire sur la croyance des événements : c’est qu’entre les circonstances qu’on doit considérer pour juger si on doit les croire ou ne pas les croire, il y en a qu’on peut appeler des circonstances communes, parce qu’elles se rencontrent en beaucoup de faits, et qu’elles se trouvent incomparablement plus souvent jointes à la vérité qu’à la fausseté ; et alors si elles ne sont point contre-balancées par d’autres circonstances particulières qui affaiblissent ou qui ruinent dans notre esprit les motifs de croyance qu’il tirait de ces circonstances communes, nous avons raison de croire ces événements, sinon certainement, au moins très-probablement : ce qui nous suffit quand nous sommes obligés d’en juger, car comme nous nous devons contenter d’une certitude morale dans les choses qui ne sont pas susceptibles d’une certitude métaphysique, lors aussi que nous ne pouvons pas avoir une entière certitude morale, le mieux que nous puissions faire, quand nous sommes engagés à prendre parti, est d’embrasser le plus probable, puisque ce serait un renversement de la raison d’embrasser le moins probable[1].

Que si, au contraire, ces circonstances communes qui nous auraient portés à croire une chose se trouvent jointes à d’autres circonstances particulières qui ruinent dans notre esprit, comme nous venons de dire, les motifs de croyance qu’il tirerait de ces circonstances communes, ou qui même soient telles qu’il soit fort rare que de semblables circonstances ne soient pas accompagnées de faus-

  1. On reconnaît le principe logique du probabilisme, dont les moralistes de la Société de Jésus ont tant abusé.