Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/388

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apostoliques, qu’elles se défendent toutes seules contre ces vaines accusations de supposition et de fausseté.

Enfin, toutes les difficultés que le cardinal du Perron a proposées contre la lettre du concile d’Afrique au pape saint Célestin, touchant les appellations au saint-siége, n’ont point empêché que l’on n’ait cru depuis, comme auparavant, qu’elle a été véritablement écrite par ce concile.

Mais il y a néanmoins d’autres rencontres où les raisons particulières l’emportent sur cette raison générale d’une longue possession.

Ainsi, quoique la lettre de saint Clément à saint Jacques, évêque de Jérusalem, ait été traduite par Ruffin il y a près de treize cents ans, et qu’elle soit alléguée comme étant de saint Clément par un concile de France il y a plus de douze cents ans, il est toutefois difficile de ne pas avouer qu’elle est supposée, puisque ce saint évêque de Jérusalem ayant été martyrisé avant saint Pierre, il est impossible que saint Clément lui ait écrit depuis la mort de saint Pierre, comme le suppose cette lettre.

De même, quoique les commentaires sur saint Paul attribués à saint Ambroise aient été cités sous son nom par un très-grand nombre d’auteurs, et l’œuvre imparfaite sur saint Matthieu sous celui de saint Chrysostome, tout le monde néanmoins convient aujourd’hui qu’ils ne sont pas de ces saints, mais d’autres auteurs anciens engagés dans beaucoup d’erreurs.

Enfin, les Actes que nous voyons dans les conciles de Sinuesse sous Mercellin, de deux ou trois de Rome sous saint Sylvestre, et d’un autre de Rome sous Sixte III, seraient suffisants pour nous persuader de la vérité de ces conciles, s’ils ne contenaient rien que de raisonnable et qui eût du rapport au temps qu’on attribue à ces conciles ; mais ils en contiennent tant de déraisonnables, et qui ne conviennent point à ces temps-là, qu’il y a grande apparence qu’ils sont faux et supposés.

Voilà quelques remarques qui peuvent servir en ces sortes de jugements : mais il ne faut pas s’imaginer qu’elles soient de si grand usage qu’elles empêchent toujours qu’on s’y trompe. Tout ce qu’elles peuvent, au plus, est de faire éviter les fautes les plus grossières, et d’accoutumer l’esprit à ne pas se laisser emporter par des lieux communs, qui, ayant quelque vérité en général, ne laissent pas d’être faux en beaucoup d’occasions particulières, ce qui est une des plus grandes sources des erreurs des hommes.