Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/4

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bien à lui apprendre en quatre ou cinq jours tout ce qu’il y avait d’utile dans la Logique. » Arnauld fit alors un abrégé de la Logique, qui, développé ensuite, devint la Logique de Port-Royal.

L’ouvrage, dont nous donnons ici le résumé en conservant les expressions mêmes de l’original, est précédé de deux discours préliminaires, l’un où l’on fait voir le dessein de la nouvelle Logique, l’autre où l’on répond aux principales objections dirigées contre cette Logique. Une note de Racine attribue ces deux discours à Nicole.

PREMIER DISCOURS. — Où l’on fait voir le dessein de cette nouvelle logique.

« Il n’y a rien de plus estimable que le bon sens et la justesse de l’esprit dans le discernement du vrai et du faux. Toutes les autres qualités d’esprit ont des usages bornés ; mais l’exactitude de la raison est généralement utile dans toutes les parties et dans tous les emplois de la vie. Ce n’est pas seulement dans les sciences qu’il est difficile de distinguer la vérité de l’erreur, mais aussi dans la plupart des sujets dont les hommes parlent et des affaires qu’ils traitent.

» Ainsi, la principale application qu’on devrait avoir serait de former son jugement et de le rendre aussi exact qu’il peut l’être ; et c’est à quoi devrait tendre la plus grande partie de nos études. On se sert de la raison comme d’un instrument pour acquérir les sciences, et l’on devrait se servir, au contraire, des sciences comme d’un instrument pour se perfectionner sa raison, la justesse de l’esprit étant infiniment plus considérable que toutes les connaissances spéculatives auxquelles on peut arriver par le moyen des sciences.

» Mais parce que l’esprit se laisse quelquefois abuser par de fausses lueurs, lorsqu’il n’y apporte pas l’attention nécessaire, et qu’il y a bien des choses que l’on ne connaît que par un long et difficile examen, il serait utile d’avoir des règles pour s’y conduire de telle sorte, que la recherche de la vérité en fût plus facile et plus sûre.

» Les philosophes ordinaires ne se sont guère appliqués qu’à donner des règles des bons et des mauvais raisonnements. Or, quoique l’on ne puisse pas dire que ces règles soient inutiles, puisqu’elles servent quelquefois à découvrir le défaut de certains arguments embarrassés, et à disposer ses pensées d’une manière plus convaincante, néanmoins on ne doit pas aussi croire que cette utilité s’étende bien loin, la plupart des erreurs des hommes ne consistant pas à se laisser tromper par de mauvaises conséquences, mais à se laisser aller à de faux jugements dont on tire de mauvaises conséquences. C’est à quoi ceux qui jusqu’ici ont traité de la logique ont peu cherché de remèdes, et ce qui fait le principal sujet des nouvelles réflexions qu’on trouvera dans ce livre.

SECOND DISCOURS. — Contenant la réponse aux principales objections qu’on a faites contre cette logique.

« Tous ceux qui font part au public de quelques ouvrages doivent en même temps se résoudre à avoir autant de juges que de lecteurs, et cette condition ne doit leur paraître ni injuste ni onéreuse ; car, s’ils sont vraiment désintéressés, ils doivent en avoir abandonné la propriété en les rendant publics, et les regarder ensuite avec la même indifférence qu’ils feraient des ouvrages étrangers.