Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/40

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dont les livres de philosophie sont remplis. Il y en a qui sont assez méprisées par ceux mêmes qui les traitent, et il y en a, au contraire, qui sont célèbres et autorisées, et qui ont beaucoup de cours dans les écrits de personnes d’ailleurs estimables.

Il semble que c’est un devoir auquel on est obligé à l’égard de ces opinions communes et célèbres, quelque fausses qu’on les croie, de ne pas ignorer ce qu’on en dit. On doit cette civilité, ou plutôt cette justice, non à la fausseté, car elle n’en mérite point, mais aux hommes qui en sont prévenus, de ne pas rejeter ce qu’ils estiment sans l’examiner : et ainsi il est raisonnable d’acheter, par la peine d’apprendre ces questions, le droit de les mépriser.

Mais on a plus de liberté dans les premières ; et celles de logique, que nous avons cru devoir omettre, sont de ce genre : elles ont cela de commode qu’elles ont peu de crédit, non-seulement dans le monde où elles sont inconnues, mais parmi ceux-là même qui les enseignent. Personne, Dieu merci, ne prend intérêt à l’universel a parte rei, à l’être de raison, ni aux secondes intentions ; et ainsi on n’a pas lieu d’appréhender que quelqu’un se choque de ce qu’on n’en parle point ; outre que ces matières sont si peu propres à être mises en français, qu’elles auraient été plus capables de décrier la philosophie de l’école que de la faire estimer.

Il est bon aussi d’avertir qu’on s’est dispensé de suivre toujours les règles d’une méthode tout à fait exacte, ayant mis beaucoup de choses dans la quatrième partie, qu’on aurait pu rapporter à la seconde et à la troisième ; mais on l’a fait à dessein, parce qu’on a jugé qu’il était utile de voir en un même lieu tout ce qui était nécessaire pour rendre une science parfaite ; ce qui est le plus grand ouvrage de la méthode dont on traite dans la quatrième partie et c’est pour cette raison qu’on a réservé de parler en ce lieu-là des axiomes et des démonstrations.

Voilà à peu près les vues que l’on a eues dans cette logique. Peut-être qu’avec tout cela il y aura fort peu de personnes qui en profitent ou qui s’aperçoivent du fruit qu’elles en tireront, parce qu’on ne s’applique guère d’ordinaire à mettre en usage des préceptes par des réflexions expresses : mais on espère néanmoins que ceux qui l’auront lue avec quelque soin pourront en prendre une teinture qui les rendra plus exacts et plus solides dans leurs jugements, sans même qu’ils y pensent, comme il y a de certains remèdes qui guérissent des maux, en augmentant la vigueur et en fortifiant les parties. Quoi qu’il en soit, au moins n’incommodera-t-elle pas longtemps personne, ceux qui sont un peu avancés pouvant la lire et apprendre en sept ou huit jours : et il est difficile que, contenant une si grande diversité de choses, chacun n’y trouve de quoi se payer de la peine de sa lecture.