Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/417

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lui fissent perdre de son prix en le rendant vulgaire, ils ont mieux aimé, pour se faire admirer, nous présenter comme des produits de leur art quelques vérités stériles subtilement déduites que de nous enseigner cet art lui-même, dont la connaissance eût fait cesser toute notre admiration. Enfin quelques hommes d’un grand esprit ont essayé, dans ce siècle, de ressusciter cette méthode ; car celle qu’on désigne par le nom étranger d’algèbre ne paraît pas être autre chose, pourvu qu’on la délivre de la multiplicité de chiffres et de figures inexplicables qui la couvrent, et que par ce moyen on lui donne désormais cette clarté et cette facilité suprême que nous supposons devoir se trouver dans les vraies mathématiques. Ces pensées m’ayant ramené de l’étude spéciale de l’arithmétique et de la géométrie vers la recherche générale des mathématiques, je me demandai d’abord ce que tout le monde entendait précisément par ce mot, et pourquoi on regardait comme faisant partie des mathématiques, non-seulement l’arithmétique et la géométrie, mais encore l’astronomie, la musique, l’optique, la mécanique et plusieurs autres sciences. En effet, il ne suffit pas ici de considérer l’étymologie du mot, puisque le mot mathématiques ne signifiant que science, les sciences que je viens d’énumérer n’ont pas moins de droit que la géométrie au nom de mathématiques.

Au reste, il n’est personne, pour peu qu’il ait seulement touché le seuil des écoles, qui ne distingue facilement parmi les objets qui se présentent à lui, ceux qui se rattachent aux mathématiques et ceux qui appartiennent aux autres sciences. En réfléchissant plus attentivement à cela, je découvris enfin qu’on ne doit rapporter aux mathématiques que toutes les choses dans lesquelles on examine l’ordre ou la mesure, et qu’il importe peu que ce soit dans les nombres, les figures, les astres, les sons ou dans tout autre objet qu’on cherche cette mesure : qu’ainsi il doit y avoir une science générale qui explique tout ce qu’on peut chercher touchant l’ordre et la mesure, sans application à aucune manière spéciale, et qu’enfin elle est désignée, non sous un nom étranger, mais sous celui déjà ancien et usuel de mathématiques universelles, parce qu’elle contient tous les éléments qui ont fait appeler les autres sciences parties des mathématiques. Et la preuve que cette science l’emporte de beaucoup en utilité et en facilité sur toutes celles qui en dépendent, c’est qu’elle s’étend