un homme qui, du pied d’un édifice, voudrait s’élancer d’un saut jusqu’au faîte, soit en négligeant l’escalier destiné à cet usage, soit en ne l’apercevant pas. Ainsi font tous les astrologues, qui, sans connaître la nature des astres, sans même en avoir parfaitement observé tous les mouvements, espèrent pouvoir en indiquer les effets ; ainsi font la plupart de ceux qui étudient la mécanique sans savoir la physique, et qui fabriquent au hasard de nouveaux moteurs ; ainsi ces philosophes qui, négligeant l’expérience, croient que la vérité sortira de leur propre cerveau, comme Minerve du cerveau de Jupiter.
Or, tous pèchent également contre cette règle ; mais comme souvent l’ordre qu’elle prescrit est tellement obscur et embarrassé que tous ne peuvent reconnaître quel il est, on aura de la peine à ne pas s’égarer, à moins qu’on observe avec soin ce qui va être exposé dans la règle suivante.
Quoique cette règle paraisse ne rien apprendre de bien nouveau, elle renferme cependant le principal secret de la méthode, et il n’en est pas une plus utile dans tout ce traité ; car elle nous apprend que toutes les choses peuvent se classer en diverses séries, non sans doute en tant qu’elles se rapportent à quelque genre d’être (division qui ressemblerait aux catégories des philosophes), mais en tant que de la connaissance des unes dépend la connaissance des autres ; en sorte que, toutes les fois qu’une difficulté se présente, nous puissions reconnaître aussitôt s’il est utile d’examiner préalablement certaines choses, quelles elles sont et dans quel ordre il faut les examiner.
Or, pour bien accomplir cette règle, notons d’abord que toutes les choses, dans le sens où elles peuvent se rattacher à ce que nous nous proposons, nous qui ne les considérons pas isolément, mais qui les comparons entre elles pour les connaître les unes par les autres, peuvent être appelées ou absolues ou relatives.