Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/42

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que ceux qui en sont auteurs proposent aux personnes de lettres pour en apprendre leurs sentiments, et qu’ensuite, sur les différentes vues que leur donneraient ces différentes pensées, ils y travaillassent tout de nouveau pour mettre leurs ouvrages dans la perfection où ils sont capables de les porter[1].

C’est la conduite qu’on aurait bien désiré de suivre dans la seconde édition de cette Logique, si l’on avait appris plus de choses de ce qu’on a dit dans le monde de la première. On a fait néanmoins ce qu’on a pu, et l’on a ajouté, retranché et corrigé plusieurs choses, suivant les pensées de ceux qui ont eu la bonté de faire savoir ce qu’ils y trouvaient à redire.

Et premièrement, pour le langage, on a suivi presque en tout les avis de deux personnes, qui se sont donné la peine de remarquer quelques fautes qui s’y étaient glissées par mégarde, et certaines expressions qu’ils ne croyaient pas être du bon usage ; et l’on ne s’est dispensé de s’attacher à leurs sentiments que lorsqu’en ayant consulté d’autres, on a trouvé les opinions partagées, auquel cas on a cru qu’il était permis de prendre le parti de la liberté.

On trouvera plus d’additions que de changements ou de retranchements pour les choses, parce qu’on a été moins averti de ce qu’on y reprenait. Il est vrai néanmoins que l’on a su quelques objections générales qu’on faisait contre ce livre, auxquelles on n’a pas cru devoir s’arrêter, parce qu’on s’est persuadé que ceux mêmes qui les faisaient seraient aisément satisfaits, lorsqu’on leur aurait représenté les raisons qu’on a eues en vue dans les choses qu’ils blâmaient ; et c’est pourquoi il est inutile de répondre ici aux principales de ces objections.

Il s’est trouvé des personnes qui ont été choquées du titre d’art de penser, au lieu duquel elles voulaient qu’on mît l’art de bien raisonner : mais on les prie de considérer que, la logique ayant pour but de donner des règles pour toutes les actions de l’esprit, et aussi bien pour les idées simples que pour les jugements et pour les raisonnements, il n’y avait guère d’autre mot qui enfermât toutes ces différentes actions ; et certainement celui de pensée les comprend toutes : car les simples idées sont des pensées, les jugements sont des pensées, et les raisonnements sont des pensées. Il est vrai que l’on eût pu dire, l’art de bien penser ; mais cette addition n’était pas nécessaire, étant assez marquée par le mot d’art, qui signifie de soi-même une méthode de bien faire quelque chose, comme Aristote même le remarque ; et c’est pourquoi on se

  1. Voilà une méthode à la fois morale et littéraire dont les préceptes, trop peu suivis, sont tracés avec une rare sagacité.