Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/421

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gales qu’en les comparant aux choses égales, et non d’une autre manière.

Notons en second lieu qu’il est peu de natures simples et inconditionnelles que nous puissions voir de prime abord et en elles-mêmes, indépendamment de toutes autres, même par des expériences et à l’aide de cette lumière qui est en nous ; aussi dis-je qu’il faut les observer avec soin, car ce sont celles que nous appelons les plus simples dans chaque série. Or on ne peut percevoir toutes les autres qu’en les déduisant de celles-ci, soit immédiatement, soit par deux ou trois conclusions différentes ou par un plus grand nombre, conclusions dont il faut en outre noter le chiffre pour reconnaître si plus ou moins de degrés les séparent de la première et de la plus simple proposition ; tel est partout l’enchaînement des conséquences, duquel naissent ces séries d’objets auxquelles il faut ramener toute question, si l’on veut l’examiner avec une méthode sûre. Mais parce qu’il n’est pas facile de passer en revue toutes ces séries, et qu’il ne faut pas tant les retenir de mémoire que les reconnaître par une certaine pénétration de l’esprit, on doit chercher un moyen de former les esprits de telle sorte que, toutes les fois qu’il sera besoin, ils les découvrent aussitôt. À quoi, certes, rien n’est plus propre, je l’ai moi-même éprouvé, que de s’accoutumer à réfléchir avec une certaine sagacité aux moindres choses que l’on a précédemment perçues.

Notons en troisième lieu qu’il ne faut pas commencer l’étude d’une science par la recherche des choses difficiles, mais qu’il faut, avant d’aborder quelque question déterminée, recueillir sans choix et sur-le-champ les vérités qui se présentent, puis voir graduellement si l’on en peut déduire quelques autres, et de ces dernières d’autres encore, et ainsi de suite. Cela fait, il faut réfléchir attentivement sur les vérités que l’on a trouvées, et examiner avec soin pourquoi l’on a pu trouver les unes plus tôt et plus facilement que les autres, et quelles elles sont ; nous saurons ainsi, lorsque nous aborderons quelque question déterminée, par quelles recherches il conviendra de commencer.

Par exemple, je vois que le nombre 6 est le double de 3 ; je cherche ensuite le double de 6, c’est-à-dire 12 ; puis encore, si bon me semble, le double de 12, c’est-à-dire 24 ; puis le double de 24, c’est-à-dire 48, etc., etc. ; de là je conclus sans peine que la même proportion existe entre 3 et 6 qu’entre 6