Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/427

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Et tout cela est fondé sur ce que le faux et le mal, comme faux et comme mal, sont un non-être, qui n’a point d’idée, ou, pour parler plus correctement, ne sont pas un être qui ait une idée.

Ce qui pourrait nous tromper, c’est que nous donnons au vrai et au faux, et même au néant, un nom positif ; mais de là il ne s’ensuit pas que l’idée qui y répond soit positive : autrement le néant serait quelque chose, ce qui est contradictoire.

Au reste, on entend assez que le positif c’est ce qui pose et qui met, et que le négatif est ce qui ôte. Le terme positif affirme, et le négatif nie, comme le porte son nom.

Nous aurions moins d’idées si notre esprit était plus parfait.

Il est véritable que nous aurions moins d’idées si notre esprit était plus parfait. Car à qui connaîtrait les choses pleinement et parfaitement en elles-mêmes, c’est-à-dire dans leur substance, il ne faudrait qu’une même idée pour une même chose ; et cette idée ferait entendre par un seul regard de l’esprit tout ce qui serait dans son objet.

Mais comme notre manière de connaître les choses est imparfaite, et que nous avons besoin de les considérer par rapport aux autres choses, de là vient que la même chose ne peut nous être connue que par des idées différentes, ainsi que nous venons de dire. Si je connaissais pleinement et parfaitement la nature ou la substance de l’âme, je n’aurais besoin, pour la concevoir, que d’une seule idée en laquelle je découvrirais toutes ses propriétés et toutes ses opérations. Mais, comme je ne me connais moi-même, et à plus forte raison les autres choses, que fort imparfaitement, je me représente mon âme, sous des idées différentes, par rapport à ses différentes opérations, et je tâche de rattraper par cette diversité ce que je voudrais pouvoir trouver par l’unité indivisible d’une idée parfaite.

Les idées regardent des vérités éternelles, et non ce qui existe et ce qui se fait dans le temps.

En effet, quand je considère un triangle rectiligne comme une figure bornée de trois lignes droites et ayant trois angles