Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/428

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

égaux à deux droits, ni plus ni moins ; et quand je passe de là à considérer un triangle équilatéral avec ses trois côtés et ses trois angles égaux, d’où s’ensuit que je considère chaque angle de ce triangle comme moindre qu’un angle droit ; et quand je viens encore à considérer un rectangle et que je vois clairement dans cette idée jointe avec les précédentes que les deux angles de ce triangle sont nécessairement aigus, et que ces deux angles aigus en valent exactement un seul droit, ni plus ni moins, je ne vois rien de contingent ni de muable ; et par conséquent les idées qui me représentent ces vérités sont éternelles.

Quand il n’y aurait dans la nature aucun triangle équilatéral ou rectangle, ou aucun triangle quel qu’il fût, tout ce que je viens de considérer demeure toujours vrai et indubitable.

En effet, je ne suis pas assuré d’avoir jamais aperçu aucun triangle équilatéral ou rectangle. Ni la règle ni le compas ne peuvent m’assurer qu’une main humaine, aussi habile qu’elle soit, ait jamais fait une ligne exactement droite, ni des côtés ni des angles parfaitement égaux les uns aux autres.

Il ne faut qu’un microscope pour nous faire, non pas entendre, mais voir à l’œil, que les lignes que nous traçons n’ont rien de droit ni de continu, par conséquent rien d’égal, à regarder les choses exactement.

Nous n’avons donc jamais vu que des images imparfaites de triangles équilatéraux, ou rectangles, ou isocèles, ou oxygones, ou amblygones, ou scalènes, sans que rien nous puisse assurer ni qu’il y en ait de tels dans la nature, ni que l’art en puisse construire.

Et néanmoins, ce que nous voyons de la nature et des propriétés du triangle, indépendamment de tout triangle existant, est certain et indubitable.

En quelque temps donné ou en quelque point de l’éternité, pour ainsi parler, qu’on mette un entendement, il verra ces vérités comme manifestes ; elles sont donc éternelles.

Quand on a trouvé l’essence et ce qui répond aux idées, on peut dire qu’il est impossible que les choses soient autrement.

Que si cela est une fois posé, il s’ensuit que quand on a trouvé l’essence, c’est-à-dire ce qui répond premièrement et précisément à l’idée, on a trouvé en même temps ce qui ne