Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/429

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peut être changé, en sorte qu’il est impossible que la chose soit autrement.

Il n’y a pour cela qu’à poser de suite les choses déjà établies. Toute idée a pour objet quelque vérité ; cette vérité est immuable et éternelle, et comme telle, est l’objet de la science ; cette vérité subsiste éternellement en Dieu, dans ses idées éternelles comme les appelle Platon, dans ses raisons immuables, comme les appelle saint Augustin, et tout cela, c’est Dieu même. Il est donc autant impossible que la vérité qui répond précisément à l’idée change jamais, qu’il est impossible que Dieu ne soit pas ; et ainsi, quand on sera assuré d’avoir démêlé précisément ce qui répond à notre idée, on aura trouvé l’essence invariable des choses, et on pourra dire qu’il est impossible qu’elles soient jamais autrement.

Tout est individuel et particulier dans la nature.

Après avoir connu l’universalité des idées, il faut maintenant considérer d’où elle vient ; et pour cela, il faut supposer, avant toutes choses, que dans la nature tout est individuel et particulier. Il n’y a point de triangle qui subsiste en général ; il n’y a que des triangles particuliers qu’on peut montrer au doigt et à l’œil ; il n’y a point d’âme raisonnable en général ; toute âme raisonnable qui subsiste est quelque chose de déterminé qui ne peut jamais composer qu’un seul et même homme distingué de tous les autres. On enseigne en métaphysique que la première propriété qui convient à une chose existante, c’est l’unité individuelle, et par là incommunicable. Cette vérité ne demande pas de preuve et ne veut qu’un moment de réflexion pour être entendue.

L’universel est dans la pensée ou dans l’idée.

Il n’y a donc rien en soi-même d’universel, c’est-à-dire qu’il n’y a rien qui soit réellement un dans plusieurs individus ; un certain cercle, à le prendre en soi, est distingué des autres cercles par tout ce qu’il est : mais, parce que tous les