Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/430

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cercles sont tellement semblables, comme cercles, qu’en cela l’esprit ne conçoit aucune différence entre eux, il n’en fait qu’un même objet, comme il a été dit, et se les représente sous la même idée.

Ainsi, l’universalité est l’ouvrage de la précision, par laquelle l’esprit considère en quoi plusieurs choses conviennent, sans considérer ou sans savoir en quoi précisément elles diffèrent.

Par là il se voit que l’universel ne subsiste que dans la pensée et que l’idée qui représente à l’esprit plusieurs choses comme un seul objet est l’universel proprement dit.

Cette idée universelle, par exemple, celle de cercle, a deux qualités. La première qu’elle convient à tous les cercles particuliers, et ne convient plus à l’un qu’à l’autre ; la seconde, que, étant prise en elle-même, quoiqu’elle ne représente distinctement aucun cercle particulier, elle les représente tous confusément, et même nous fait toujours avoir sur eux quelque regard indirect, parce que, quelque occupé que soit l’esprit à regarder le cercle comme cercle, sans en contempler aucun en particulier, il ne peut jamais tout à fait oublier que cette raison de cercle n’est effective et réelle que dans les cercles particuliers à qui elle convient.

La nature de l’universel expliquée par la doctrine précédente.

Par là se comprend parfaitement la nature de l’universel.

Il y faut considérer ce que donne la nature même et ce que fait notre esprit.

La nature ne nous donne, au fond, que des êtres particuliers, mais elle nous les donne semblables. L’esprit venant là-dessus, et les trouvant tellement semblables qu’il ne les distingue plus dans la raison en laquelle ils sont semblables, ne se fait de tous qu’un seul objet, comme nous l’avons dit souvent, et n’en a qu’une seule idée.

C’est ce qui fait dire au commun de l’École qu’il n’y a point d’universel dans les choses mêmes ; non datur universale a parte rei ; et encore, que la nature donne bien, indépendamment de l’esprit, quelque fondement à l’universel, en tant qu’elle fournit des choses semblables ; mais qu’elle ne donne pas l’universalité aux choses mêmes, puisqu’elle les fait toutes individuelles, et enfin, que l’universalité se com-