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Sur le scepticisme et le dogmatisme.

Il y a un principe de doute qui consiste dans cette maxime : se proposer, en traitant des connaissances, de les rendre incertaines. Ce principe tend à faire voir l’impossibilité de parvenir à la certitude. Cette manière de philosopher est le scepticisme. Elle est opposée à la méthode dogmatique, au dogmatisme, qui est une confiance aveugle en la faculté qu’aurait la raison de s’étendre a priori sans critique, par pures notions, uniquement pour obtenir un succès apparent.

Ces deux méthodes sont vicieuses si elles deviennent générales ; car il y a un grand nombre de connaissances dans lesquelles nous ne pouvons procéder dogmatiquement ; et, d’un autre côté, le scepticisme, en renonçant à toute connaissance affirmative, paralyse tous nos efforts pour acquérir la connaissance du certain.

Autant donc le scepticisme est nuisible, autant la méthode sceptique est utile et juste, en n’entendant par là que la manière de traiter quelque chose comme incertain, et de le réduire à la plus haute incertitude dans l’espoir de trouver la trace de la vérité sur cette voie. Cette méthode n’est donc proprement qu’une simple suspension du jugement. Elle est très-utile au procédé critique qui est la méthode de philosopher suivant laquelle on recherche les sources de ses affirmations ou de ses objections, et les raisons qui leur servent de base ; — méthode qui donne l’espoir de parvenir à la certitude.

Kant, ibid., 70.


De la certitude et de ses diverses espèces.

Il y a une différence essentielle, que nous allons faire connaître, entre opiner, croire et savoir ou être certain.

1o Opiner. — L’opiner, ou le croire par des raisons qui ne sont suffisantes ni subjectivement ni objectivement, peut être considéré comme un jugement provisoire (sub conditione suspensiva, ad interim) dont on ne peut pas facilement se passer. Il faut nécessairement opiner d’abord avant d’admettre ou d’affirmer ; mais il faut aussi se garder de prendre une opinion pour quelque chose de plus que pour une simple opinion. — L’opinion est en général le début de toute notre connaissance. Quelquefois nous avons un pressentiment obscur de la vérité ; une chose peut renfermer pour nous le signe de la vérité ; une chose nous semble avoir les caractères de la vérité ; — nous pressentons la vérité avant de la connaître avec une certitude déterminée… « Lorsque nous méditons sur un sujet, toujours nous devons juger provisoirement d’abord, et anticiper, flairer en quelque sorte, la connaissance qui nous est donnée en partie par la méditation. On doit toujours se faire un plan provisoire, etc. »

2o Croire (dans le sens étroit, foi). — La foi ou la croyance d’après un principe subjectivement suffisant, mais objectivement insuffisant,