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nant. Un jugement provisoire est un jugement par lequel je vois, il est vrai, plus de raisons pour la vérité d’une chose que contre cette vérité, mais tout en m’apercevant bien que ces raisons ne suffisent pas pour fonder un jugement déterminant ou définitif. Le provisoire est donc un jugement purement problématique porté avec conscience de ce caractère.

La suspension du jugement peut avoir lieu pour deux raisons : ou pour rechercher les motifs d’un jugement déterminant, ou pour ne juger jamais. Dans le premier cas, la suspension du jugement est une suspension critique (suspensio judicii indagatoria) ; dans le second cas, elle est sceptique (suspensio judicii sceptica) ; car le sceptique renonce à tout jugement, tandis que le véritable philosophe ne fait que suspendre le sien, en tant qu’il n’a pas de raisons suffisantes de regarder une proposition comme vraie.

Kant, ibid., 102.

XII

HAMILTON

De la méthode d’interprétation de la conscience en psychologie.

Un fait de conscience est ce dont l’existence est donnée et garantie par une croyance originelle et nécessaire. Mais il faut faire une distinction importante.

Il faut considérer les faits de conscience à deux points de vue, ou bien comme témoignant de leur propre existence idéale ou phénoménale, ou comme témoignant de l’existence objective de quelque autre chose au delà. Croire à la première interprétation, ce n’est pas la même chose que de croire à la seconde. On ne peut pas repousser la première, on peut fort bien repousser la seconde. S’agit-il d’un témoin ordinaire, nous ne pouvons mettre en doute sa réalité personnelle ni le fait de sa déposition, mais nous pouvons toujours douter de la vérité de ce qu’affirme la déposition. Il en est ainsi de la conscience, nous ne pouvons pas nier qu’elle porte un témoignage, mais nous pouvons faire difficulté d’admettre l’au delà dont il nous donne l’assurance. Prenons un exemple. Dans l’acte de la perception extérieure, la conscience donne comme un fait double l’existence de moi ou de soi en tant que percevant, et l’existence de quelque chose qui diffère de moi ou de soi en tant que perçue. Or, il est absolument impossible de douter de la réalité de ce fait comme donnée subjective, — comme phénomène mental, — sans douter de l’existence de la conscience, car la conscience est elle-même ce fait ; et il nous est absolument impossible de douter de l’existence de la conscience, car un tel doute ne peut exister que dans et par la conscience ;