Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/473

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sur des fondements très-différents, et cette présomption se confirme quand nous cherchons quels sont ces fondements.

L’un des faits, celui du témoignage, est un acte de conscience même, on ne peut par conséquent l’invalider sans contradiction. Car, ainsi que nous l’avons fait souvent observer, il est impossible de douter de la réalité de ce dont nous sommes conscients ; en effet, comme nous ne pouvons douter que par le moyen de la conscience, douter de la conscience c’est douter de la conscience par la conscience. Si d’une part nous affirmons la réalité du doute, nous affirmons explicitement par là la réalité de la conscience, et nous contredisons notre doute ; si d’autre part nous nions la réalité de la conscience, nous nions implicitement la réalité de notre propre dénégation. Ainsi, dans l’acte de la perception, la conscience donne, comme un fait double, un ego ou esprit, et un non-ego ou matière, connus ensemble et distingués l’un de l’autre. Or, en tant que fait présent, ce double phénomène ne peut être nié. Je ne puis par conséquent pas rejeter le fait que, dans la perception, je suis conscient d’un phénomène que je suis forcé de regarder comme l’attribut de quelque chose d’autre que mon esprit ou moi. Cela, je l’admets forcément, ou je tombe en contradiction. Mais en l’admettant, ne puis-je pas encore, sans me contredire, soutenir que ce que je suis forcé de considérer comme le phénomène de quelque chose autre que moi n’est pourtant (sans que je le sache), qu’une modification de mon esprit ? J’admets bien le fait du témoignage de la conscience comme donné, mais je nie la vérité de son rapport. Que la négation de la vérité de conscience comme témoignage soit ou non légitime, nous n’avons pas à l’examiner à présent : tout ce que je veux, c’est, comme je l’ai dit, faire voir que nous devons distinguer dans la conscience deux espèces de faits, — le fait de la conscience témoignant, et le fait dont la conscience témoigne ; et que nous ne devons pas, ainsi que M. Stewart, soutenir que nous ne pouvons pas plus douter de la réalité du monde extérieur que du fait que la conscience présente en opposition réciproque, le phénomène du soi en regard du phénomène du non-soi.

C’est seulement l’autorité de ces faits en tant que prouvant qu’il y a quelque chose au delà d’eux, — c’est-à-dire, seulement la seconde classe de faits, — qui devient un objet de discussion ; ce n’est pas la réalité de la conscience que nous avons à prouver, c’est sa véracité.

Hamilton, Lectures, I, 271-275, traduit par M. Cazelles.


DU SYLLOGISME.

Le raisonnement est un acte de comparaison médiate. Raisonner, c’est, en effet, reconnaître que deux idées sont l’une à l’égard de l’autre dans la relation d’un tout à ses parties, et cela en reconnaissant que ces deux idées sont chacune dans la même relation avec une troisième. Considéré comme un acte, le raisonnement, ou emploi discursif de la raison (τὸ λογίζεσθαι, λογισμός, διάνοια, τò διανοεῖσθαι), s’appelle aussi procédé