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PREMIÈRE PARTIE

contenant les réflexions sur les idées, ou sur la première action de l’esprit, qui s’appelle concevoir.

Comme nous ne pouvons avoir aucune connaissance de ce qui est hors de nous que par l’entremise des idées qui sont en nous, les réflexions que l’on peut faire sur nos idées sont peut-être ce qu’il y a de plus important dans la logique, parce que c’est le fondement de tout le reste.

On peut réduire ces réflexions à cinq chefs, selon les cinq manières dont nous considérons les idées :

La première, selon leur nature et leur origine ;

La deuxième, selon la principale différence des objets qu’elles représentent ;

La troisième, selon leur simplicité ou composition, où nous traiterons des abstractions et précisions d’esprit[1] ;

La quatrième, selon leur étendue ou restriction, c’est-à-dire leur universalité, particularité, singularité ;

La cinquième, selon leur clarté et obscurité, ou distinction et confusion.


CHAPITRE PREMIER

Des idées selon leur nature et leur origine.


Le mot d’idée est du nombre de ceux qui sont si clairs qu’on ne peut les expliquer par d’autres, parce qu’il n’y en a point de plus clairs et de plus simples[2].

  1. On verra plus loin, au XVIIe siècle, que le mot précision d’esprit était synonyme d’abstraction. L’abstraction, en effet, a pour résultat de couper pour ainsi dire l’idée, de la séparer des autres, præcidere, de la ramener à ses éléments, et de la rendre ainsi précise.
  2. La simplicité et la clarté ne sont ici qu’apparentes : la preuve en est dans les discussions sans nombre auxquelles a donné lieu ce mot vague d’idée.