Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/58

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partie au moins de son idée, comme est celle d’une nature excellente et adorable, ils s’appropriaient ce nom avec cette idée ?

Mais, si nous n’avions point l’idée de Dieu, sur quoi pourrions-nous fonder tout ce que nous disons de Dieu, comme, qu’il n’y en a qu’un, qu’il est éternel, tout-puissant, tout bon, tout sage, puisqu’il n’y a rien de tout cela enfermé dans ce son Dieu, mais seulement dans l’idée que nous avons de Dieu, et que nous avons jointe à ce son[1] ?

Et ce n’est aussi que par là que nous refusons le nom de Dieu à toutes les fausses divinités, non pas que ce mot ne puisse leur être attribué, s’il était pris matériellement, puisqu’il leur a été attribué par les païens ; mais parce que l’idée qui est en nous du souverain Être, et que l’usage a liée à ce mot de Dieu, ne convient qu’au seul vrai Dieu.

La seconde de ces fausses opinions est ce qu’un Anglais[2] a dit : « Que le raisonnement n’est peut-être autre chose qu’un assemblage et enchaînement de noms par ce mot est. D’où il s’ensuivrait que, par la raison, nous ne concluons rien du tout touchant à la nature des choses, mais seulement touchant leurs appellations ; c’est-à-dire que nous voyons simplement si nous assemblons bien ou mal les noms des choses selon les conventions que nous avons faites à notre fantaisie, touchant leurs significations. »

À quoi cet auteur ajoute : « Si cela est, comme il peut être, le raisonnement dépendra des mots, les mots de l’imagination, et l’imagination dépendra peut-être, comme je le crois, du mouvement des organes corporels ; et ainsi notre âme (mens) ne sera autre chose qu’un mouvement dans quelques parties du corps organique[3]. »

Il faut croire que ces paroles ne contiennent qu’une

  1. Cette discussion n’est pas très-sérieuse. Hobbes ne prétend point que nous ayons seulement des lettres et des mots dans l’esprit : il nie l’existence d’une idée positive de Dieu.
  2. Voir la quatrième objection de Hobbes.
  3. C’est l’opinion que soutient encore aujourd’hui l’école anglaise.