Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/76

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particulières, et que je ne l’applique qu’à penser que c’est une figure bornée par trois lignes égales, l’idée que je m’en formerai me représentera d’une part plus nettement cette égalité des lignes, et de l’autre sera capable de me représenter tous les triangles équilatères. Que si je passe plus avant, et que, ne m’arrêtant plus à cette réalité des lignes, je considère seulement que c’est une figure terminée par trois lignes droites, je me formerai une idée qui peut représenter toutes sortes de triangles. Si ensuite, ne m’arrêtant point au nombre des lignes, je considère seulement que c’est une surface plate[1], bornée par des lignes droites, l’idée que je me formerai pourra représenter toutes les figures rectilignes, et ainsi je puis monter de degré en degré jusqu’à l’extension. Or, dans ces abstractions, on voit toujours que le degré inférieur comprend le supérieur avec quelque détermination particulière, comme moi comprend ce qui pense, et le triangle équilatère comprend le triangle, et le triangle la figure rectiligne ; mais que le degré supérieur, étant moins déterminé, peut représenter plus de choses.

Enfin, il est visible que, par ces sortes d’abstractions, les idées, de singulières, deviennent communes, et les communes plus communes, et ainsi cela nous donnera lieu de passer à ce que nous avons à dire des idées considérées selon leur universalité ou particularité.


CHAPITRE VI

Des idées, considérées selon leur généralité, particularité et singularité.


Quoique toutes les choses qui existent soient singulières, néanmoins, par le moyen des abstractions que nous venons d’expliquer, nous ne laissons pas d’avoir tous plusieurs sortes d’idées, dont les unes ne nous repré-

  1. C.-à-d. plane.