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histoire de saint augustin.

des siècles nouveaux se lèveront sur la gloire de l’Église catholique !

L’évêque d’Hippone remarque que nulle autorité n’a manqué aux filets des disciples que le Sauveur a faits pêcheurs d’hommes[1]. Si l’autorité est dans la multitude, quoi de plus nombreux que l’Église répandue à travers le monde entier ! Si elle réside dans les richesses, combien nous compterons de riches qui sont entrés dans l’Église ! L’autorité résiderait-elle dans la pauvreté ? que de pauvres aux pieds de Jésus-Christ ! La placerez-vous dans les nobles et les rois ? ils sont rangés en foule autour de l’étendard chrétien. Et si les penseurs, les orateurs et les philosophes font pour vous autorité, voyez les plus forts et les plus illustres pris dans les filets de ces pêcheurs ! Du fond du néant de leurs opinions, ils ont été amenés à la vérité, s’attachant à Celui qui, par l’exemple de la plus profonde humilité, est venu guérir la plus grande plaie du monde, l’orgueil ; qui a choisi la folie selon le monde pour confondre les sages, et ce qu’il y avait de méprisable, et ce qui n’existait pas, pour confondre ce qui se croyait plein de force et de vie.

Le soleil s’est levé et l’herbe a séché, parce qu’elle n’a pas de racines[2]. Les princes de la terre avaient pensé que, par leurs persécutions, ils enlèveraient du monde la religion du Christ. Ils portèrent une loi qui punissait de mort quiconque se disait chrétien. Qu’arriva-t-il ? une foule innombrable courut au martyre, et les ennemis dirent alors : Il va nous falloir tuer tout le genre humain. Si nous faisons périr tous les chrétiens, il ne restera presque plus personne sur la terre.

Le docteur commente ces mots du Psalmiste[3] : Ses éclairs ont brillé par toute la terre. Il voit dans les nuées les prédicateurs de la vérité, et c’est du milieu des nuées que sortent les éclairs. Vous voyez une nuée noire, portant je ne sais quoi ; si un éclair s’en échappe, une vive lumière traverse l’espace, et ce que peut-être vous regardiez comme peu de chose a tout à coup produit un effet qui vous saisit. Jésus a envoyé ses apôtres comme des nuées ; les hommes les voyaient et n’en faisaient aucun cas, comme on méprise les nuées avant qu’elles éclatent ; car ces apôtres étaient faibles et mortels, ignorants, obscurs, sans génie ; mais ils portaient en eux de quoi briller et foudroyer. Pierre s’avançait, pêcheur de poissons ; il priait, et voilà qu’un mort ressuscite. La forme humaine, c’était la nuée ; la splendeur du miracle, c’était l’éclair.

Toutes ces pensées d’Augustin sont d’une, grande poésie.

La cupidité est un vice de tous les siècles mais les temps où la foi manque sont surtout des temps, où la rapacité pousse les hommes, où la soif de l’or brûle leurs flancs. L’évêque d’Hippone donnait sur ce sujet des leçons qui pourraient être de quelque utilité à nos contemporains.

La cupidité[4] condamne l’homme aux dangers, aux tribulations, aux souffrances, et l’homme lui obéit. Pourquoi ? Pour remplir ses coffres et perdre son repos. La cupidité dit à l’homme : Va ; et il va. Il cherche l’or qu’il ne trouve pas toujours, et ne cherche pas Dieu qui serait tout à coup à lui. Homme, change ton cœur, porte-le en haut ; il ne faut pas que notre cœur demeure ici, cette région est mauvaise[5] ; c’est bien assez que la pesanteur de notre corps nous y retienne.

Avare ! pourquoi aspirez-vous à posséder le ciel et la terre ? Celui qui les a faits n’est-il pas plus digne de notre amour[6] ? L’homme passe comme une ombre, et c’est bien en vain qu’à se tourmente : quelle vanité ! Il thésaurise et ne sait pas pour qui. Il vous semble, avares, dit Augustin, que je déraisonne en parlant ainsi[7]. Pour vous, gens de conseil et de prudente, vous cherchez chaque jour de nouveaux moyens d’amasser : négoce, agriculture, éloquence peut-être, jurisprudence, guerre, que sais-je ? N’y ajoutez-vous pas l’usure ? Mais pour qui amassez-vous ces trésors ? — Pour mes enfants, direz-vous. Mais cette parole paternelle est une triste excuse : vous qui devez passer, vous ramassez pour ceux qui doivent passer aussi, et c’est en passant que vous ramassez pour ceux qui passent. La terre est ni lieu peu sûr pour vos richesses, car vous n’y resterez pas longtemps. L’avare se soucie peu de thésauriser dans le ciel, et répond qu’il regarde comme perdu ce qu’il ne voit pas. Mais, lui réplique Augustin, n’avez-vous pas caché ces trésors ? Vous ne les portez point avec vous, pendant que vous êtes ici, savez-vous s’ils vous sont pas enlevés ? Il me semble qu’à cette parole je vois le cœur de tous les avares frémir…

Ce dernier trait est frappant.

  1. Sermon 51.
  2. Matthieu XIII, 6.
  3. Ps. XCVI.
  4. In epist. Joan., X.
  5. Ps. XXXIX.
  6. Ps. XXXII.
  7. Ps. XXXVIII.