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chapitre quarante-septième.

fants : combien doivent être plus chers les corps, ces restes qui, durant la vie, ont appartenu plus étroitement à des parents aimés ! Le corps est plus qu’un ornement de l’homme, il fait partie de sa propre nature. Tobie fut agréable à Dieu en ensevelissant les morts. Le Sauveur loue d’avance la sainte femme qui devait répandre sur ses membres ressuscités un parfum précieux ; et l’évangéliste saint Jean loue ceux qui s’étaient occupés de l’ensevelissement du divin Maître. Le dogme de la résurrection future place sous la providence de Dieu le corps de ceux qui ne sont plus.

S’il y a une sorte de religion pour l’ensevelissement des morts, le lieu de leur sépulture ne saurait être indifférent. En les plaçant sous le patronage d’un saint, on a des occasions de songer à lui recommander ceux qu’on aime. La magnificence d’un monument a pour but de retracer plus vivement une image chérie ou vénérée ; la basilique d’un martyr qui abrite des dépouilles bien chères invite à l’affectueuse oraison. L’Église, comme une tendre mère, prie pour tous les morts, sans les nommer, afin de réparer l’oubli de ceux qui négligent leurs devoirs envers les proches ou les amis. Nul n’a jamais haï sa chair, dit l’Écriture, et c’est cet amour de la chair qui inspire le désir qu’on prenne soin de notre sépulture ; nous avons peur que quelque chose ne manque à notre corps après la mort. Les martyrs, vainqueurs de cet amour de la chair, ne songeaient point à leur sépulture ; les fidèles y songeaient pour eux, et, après le supplice, s’attristaient de ne pouvoir rendre les derniers devoirs aux confesseurs de la foi. Pourquoi, dit Augustin, pourquoi le roi David bénit-il ceux qui donnèrent la sépulture aux ossements arides de Saül et de Jonathas ? C’est que la piété avait ému leurs cœurs, et qu’ils accordaient ce qu’ils désiraient pour eux après leur mort. Augustin parle ensuite des apparitions des morts dans nos rêves et aussi des apparitions des vivants.

Voilà toute la fleur de ce livre qui achevait d’établir dans le monde catholique un mystérieux commerce inconnu à l’antiquité, le commerce des vivants avec les morts, à l’aide de la prière. Par là le temps et l’éternité se touchent, le monde visible et le monde invisible conversent ensemble : comme il nous appartient de soulager encore ceux qui sont sortis de la vie, nous triomphons en quelque sorte du trépas, et nous pouvons dire à la mort : Où est ton aiguillon ? où est ta victoire ?




CHAPITRE QUARANTE-SEPTIÈME.




Les chrétiens de Fussale. — Affaire d’Antoine de Fussale. — La règle de saint Augustin.

(422-423.)


Il semble que ceux-là seuls qui ont éprouvé, toutes les infirmités de l’âme humaine puissent bien les comprendre : on croit avoir le droit d’attendre plus de miséricorde de la part des hommes qui sont tombés. Voilà pourquoi Augustin est un des saints personnages vers lesquels nous nous sentons le plus attirés ; les fautes de sa jeunesse en ont fait l’un de nous ; et comme il est sorti de nos rangs pour prendre son essor vers les hauteurs divines, plus la pauvre humanité s’est montrée en lui, plus nous admirons les merveilles de sa vie nouvelle. L’exemple d’Augustin nous prouve qu’il n’est pas d’abîme d’où l’homme ne puisse être tiré, et que les plus sombres ténèbres se changent en resplendissantes lumières quand il plaît à Dieu. Cet exemple glorieux nous prouve aussi que l’amour de la vérité est déjà une bien grande chose, et que Dieu le couronne par une science vaste et soudaine dont le monde est étonné. Nous verrons jusqu’à la dernière heure ce ferme génie debout dans les combats chré-