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histoire de saint augustin.


CHAPITRE CINQUANTIÈME.




La Cité de Dieu.

(426.)


Nous arrivons à l’œuvre la plus importante d’Augustin au double point de vue de l’histoire et de la philosophie, à cette œuvre que Charlemagne[1] se faisait lire, et qui renferme tant d’utiles et de grandes choses. Nous comprenons qu’un travail en langue latine, composé de vingt-deux livres, trouve aujourd’hui peu de lecteurs, mais une bonne traduction met ce travail à la portée de tout le monde Dans un chapitre précédent, on a vu Macédonius, vicaire d’Afrique, se répandre en louanges à l’occasion des trois premiers livres de la Cité de Dieu, dont la science éloquente le ravissait. Nous devons prononcer ici le nom de Marcellin, à qui les deux premiers livres sont adressés ; Marcellin et Volusien avaient reçu en 412 des lettres d’où naquit cette magnifique protestation contre les accusations païennes. C’est très-probablement aux encouragements et aux instances de Marcellin que le monde est redevable d’un des ouvrages qui honorent le plus le génie humain. Quel due soit l’intérêt des grandes controverses chrétiennes, elles subjuguent et remuent moins vivement l’intelligence quand les temps, les personnages et les hérésies ne sont plus que dans l’histoire, et que l’émotion des peuples a cessé de répondre à ces vigoureuses luttes ; mais ce qui est histoire et philosophie a l’éternel privilège de captiver la pensée de l’homme, et la Cité de Dieu nous apparaît aujourd’hui encore avec d’admirables conditions d’intérêt. Augustin y déploie une grave éloquence, à laquelle la profondeur des idées, l’imagination et la fine raillerie prêtent une constante variété ; le savoir historique y est considérable le génie de l’évêque d’Hippone s’y maintient à sa hauteur durant une course d’aussi longue haleine. En étudiant la Cité de Dieu, j’appliquais à Augustin ce que Terentianus disait de Varron, l’auteur des Antiquités romaines : « Il a tant lu, qu’on s’étonne qu’il ait eu le loisir d’écrire. »

La composition de la Cité de Dieu, traversée par les grands combats contre le pélagianisme, et par tous les laborieux devoirs d’une position comme celle d’Augustin, dura treize ans (de 413 à 426). Dans la vie de cet illustre docteur, vie de lutte continuelle, il fallait aller au plus pressé, s’élancer à la brèche à chaque apparition de l’hérésie ; et nous pouvons dire que la Cité de Dieu, comme quelques autres écrits, fut le fruit des loisirs de ce grand homme. Nous allons exprimer la substance de ce bel ouvrage, et ne pas oublier les idées accumulées derrière nous, qui nous interdisent les répétitions.

On sait quelle fut l’inspiration première de la Cité de Dieu. Les imaginations frémissaient de la chute de Rome en 410 ; les païens s’en. allaient répétant que si les dieux étaient restés debout, Rome ne serait pas tombée : le christianisme était livré aux calomnies des vaincus. Augustin prit la parole au milieu de la stupeur de l’univers et des outrageants murmures des polythéistes. Les cinq premiers livres de la Cité de Dieu sont le plus rude coup qui ait jamais été porté aux institutions et aux croyances païennes.

En réponse aux plaintes et aux calomnies du paganisme, l’évêque d’Hippone rappelle la série de guerres où les dieux ont été vaincus.

  1. Charles V récompensa richement l’auteur d’une traduction de la cité de Dieu qui lui était dédiée.