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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/542

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LETTRES DE SAINT AUGUSTIN. — PREMIÈRE SÉRIE.

peut, eu bien qu’il reste dans sa nature selon la mesure de ses forces, sans avoir l’être et sans être ceci ou cela : il est possible aussi qu’une personne de la Trinité fasse quelque chose séparément. Mais si vous reconnaissez que nécessairement ce qui est a une forme et demeure dans sa nature autant qu’il le peut, il s’ensuivra que ces trois personnes ne font rien séparément. Je m’aperçois que je n’ai touché encore qu’à ce qui fiait la difficulté même de votre question ; mais j’ai voulu vous montrer brièvement, si toutefois j’y suis parvenu, tout ce qu’il y a de profond et, de vrai dans le dogme catholique de l’inséparabilité de la Trinité divine.

4. Voici maintenant comment on peut mettre son esprit en paix. Le caractère particulier attribué au Fils est d’être comme une règle, comme un art (s’il est permis d’employer ce mot en de telles matières), et une intelligence qui forme l’esprit et la pensée à une science. Et comme l’union à la nature humaine s’est faite pour nous offrir dans la lumineuse majesté du discours, une forme de vie et des préceptes en exemple, ce n’est pas sans raison que tout cela est attribué au Fils. En effet, dans une multitude de choses, que je confie à votre pensée et à votre sagesse, il y a toujours un point qui est plus en relief et qui, pour ce motif, attire particulièrement l’attention ainsi pour les trois sortes de questions dont nous venons de parler, quand on cherche si une chose est, on cherche en même temps ce qu’elle est, car elle ne peut être sans être quelque chose, et en même temps si elle est digne d’approbation ou de blâme, car tout ce qui existe mérite un jugement, quel qu’il soit. De même quand on demande ce qu’est une chose, il est également nécessaire et qu’elle soit, et qu’elle soit appréciée. De même encore quand on cherche quelle elle est, elle est indubitablement quelque chose, puisque tous ces caractères sont inséparables. Cependant tous ne donnent pas leur nom à la question, mais l’intention de celui qui l’adresse.

Concluons. Une règle est donc nécessaire aux hommes, et il faut que cette règle les pénètre et les forme. Mais ce qui est accordé aux hommes par cette règle divine, nous ne pouvons pas dire ou qu’il n’est pas, ou qu’il n’est pas désirable ; mais auparavant nous cherchons à le connaître pour, de là, conjecturer quelque chose et nous y attacher. Il fallait donc montrer d’abord au monde un certain modèle, une règle de discipline : c’est ce qui a été fait par l’incarnation proprement attribuée au Fils, d’où se sont répandues, comme une conséquence, et la connaissance du Père, principe unique de toute chose ; et dans cette connaissance, la douceur intérieure et ineffable que nous trouvons à demeurer en Dieu, comme à mépriser ce qui est mortel, don précieux, faveur sacrée attribués particulièrement au Saint-Esprit. Aussi, quoique tout s’accomplisse en commun et dans une souveraine inséparabilité, il fallait nous le montrer d’une façon distincte à cause de notre faible nature tombée de l’unité dans la multiplicité. On n’élève personne au point où l’on se trouve soi-même sans descendre un peu vers celui qu’on veut élever.

Voilà une lettre qui certes ne mettra pas un terme à tous vos soucis sur cette grande question, mais qui offrira au premier travail de vos pensées comme une base certaine. Votre pénétration, qui m’est si connue, poursuivra ce que j’ai commencé, et votre piété, dans laquelle surtout il importe de se soutenir, l’obtiendra.

LETTRE XII.

(389.)
Saint Augustin, après un préambule familier, revient à la question précédemment traitée, mais la suite et la fin de cette lettre ne nous sont point parvenues.

AUGUSTIN À NÉBRIDE.

D’après ce que vous m’écrivez, vous m’avez envoyé plus de lettres que je n’en ai reçues ; mais je ne puis me dispenser de vous croire, ni vous d’ajouter foi à ma parole. Quoique je ne puisse en répondant aller aussi vite que vous, je mets autant de soin à conserver vos lettres que vous à les multiplier. Je suis d’accord avec vous que je ne vous ai adressé que deux grandes lettres et non pas trois. En repassant ce que j’ai reçu de vous, je vois que j’ai à peu près répondu à cinq de vos questions ; il en est une, je l’avoue, à laquelle je n’ai touché qu’en passant ; j’ai pu laisser faire votre clairvoyant esprit ; je doute pourtant que votre avidité ait été satisfaite ; il faut la réfréner un peu et vous résigner parfois à de courtes réponses ; mais qu’il soit bien