quelque manière s’appelle créature ; ce qui est immuable s’appelle Créateur. Or, comme nous ne disons qu’une chose existe qu’en tant qu’elle demeure et qu’elle est une, et que toute forme de beauté procède de l’unité ; dans cette division des natures vous voyez véritablement ce qui existe d’une manière souveraine, ce qui n’a qu’une basse existence et ne laisse pourtant. pas d’exister ; enfin ce qui tient comme le milieu plus grand que le plus bas, plus petit que le plus grand. L’Etre souverain, c’est la béatitude même ; le plus bas est celui qui ne peut être ni heureux ni malheureux ; le moyen devient misérable si sa vie incline vers ce qui est bas, il devient heureux s’il se tourne vers l’Etre souverain. Celui qui croit au Christ n’aime point ce qui est bas, ne se glorifie pas dans les choses moyennes et devient capable de s’attacher à l’Être souverain. – Là se trouve compris tout entier ce qu’on nous ordonne de faire, ce qu’on nous enseigne, ce qui enflamme notre cœur.
LETTRE XIX.
Je ne sais vous dire de quelle douceur votre souvenir me pénètre depuis que je vous ai quitté ; le charme de ce souvenir me revient souvent. Je me rappelle cette modestie dans la discussion qui ne se laissait point altérer par l’admirable ardeur de la recherche. Il ne serait pas facile de trouver quelqu’un qui posât plus vivement les questions et qui écoutât plus tranquillement. C’est pourquoi je voudrais beaucoup discuter avec vous ; et du reste parler avec vous le plus possible, ce ne serait jamais beaucoup parler. Mais tomme c’est difficile, qu’est-il besoin d’en chercher les motifs ? C’est tout à fait mat baisé ; peut-être un jour cela ne le sera plus ; que Dieu le veuille ainsi ! Maintenant nous n’en sommes pas là.
J’ai chargé le frère, par lequel je vous ai envoyé ma lettre, de remettre tous mes ouvrages à votre très-habile charité. Rien de ce qui vient de moi ne sera mal venu de vous, car je sais toute la bienveillance que votre cœur me garde. Cependant, si vous m’approuvez après m’avoir lu et si ce que j’ai dit de vrai – vous parait tel, ne croyez pas que ces choses bonnes et vraies soient de mon propre fond ; elles m’ont été données. Tournez-vous vous-même vers Celui à qui vous devez de comprendre et d’approuver ce qui est vrai. Ce n’est pas dans le livre ni dans celui qui l’a écrit qu’un lecteur voit la vérité ; il la voit bien plutôt en lui-même si son esprit a reçu quelque impression éclatante.de cette lumière bien éloignée des grossiers nuages du corps. Dans le cas où vous trouveriez dans mes livres des choses fausses et qu’il faudrait désapprouver, vous devriez y reconnaître l’épaisse nuit de lintelligence humaine, et ce seraient là véritablement les choses qui viendraient de moi. Je vous exhorterais à chercher encore, si je ne voyais pas en quelque sorte la bouche de votre cœur toute ouverte ; je vous exhorterais aussi à vous attacher avec fermeté à ce que vous aurez reconnu être vrai, si vous ne portiez pas en vous tant de force d’esprit et de raison. Pendant le peu de temps que j’ai passé avec vous, cette force intérieure m’est apparue comme si, écartant le voile corporel, j’étais allé au fond de vous-même. La providence miséricordieuse de Notre-Seigneur ne permettra pas qu’un homme aussi bon et aussi richement doué que vous, demeure étranger au troupeau catholique du Christ.
LETTRE XX.
1. Deux d’entre nous vous devaient des réponses ; et voilà que l’un de nous va vous payer avec usure, car c’est lui-même que vous allez voir ; ce que vous entendrez de sa bouche sera comme entendu de la Mienne, et je ne vous aurais point écrit si cet ami ne me l’avait