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AUGUSTIN A DEOGRATIAS, SON CHER FRÈRE ET COLLÈGUE DANS LE SACERDOCE, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Vous avez mieux aimé me renvoyer les questions qui vous ont été adressées ; ce n’est point, je pense, paresse de votre part, mais comme vous m’aimez extrêmement, vous préférerez m’entendre dire ce que vous savez vous-même. J’aurais voulu pourtant que vous les eussiez traitées, parce que l’ami qui les a posées n’ayant pas répondu à des lettres que je lui ai écrites, comme s’il ne lui convenait pas de me suivre, il aura eu ses raisons ; je soupçonne, et ce n’est ni par désobligeance ni sans aucun motif, car vous savez combien je l’aime et combien je m’afflige qu’il ne soit pas encore chrétien ; je soupçonne, dis-je, et je crois avec quelque vraisemblance, assurément, que celui qui refuse de me répondre ne veut pas que je lui écrive. C’est pourquoi, de même que je vous ai obéi, et que, malgré le poids de mes occupations, j’ai satisfait à votre demande pour ne pas résister à votre sainte et chère volonté, je vous supplie d’écouter une, prière répondez brièvement vous-même à toutes les questions de notre ami, ainsi qu’il vous l’a demandé, et comme vous pouviez le faire avant ma réponse. Car, lorsque vous lirez ceci, vous reconnaîtrez qu’il ne s’y trouve presque rien que vous ne sachiez ou que vous n’eussiez pu trouver lors même que je n’aurais rien dit. Mais, je vous en prie, réservez mon travail seulement pour ceux à qui vous penserez qu’il puisse être utile ; donnez le vôtre à celui à qui il conviendra bien mieux, et à d’autres encore qui aiment beaucoup votre manière de traiter les questions, et je suis de ce nombre. Vivez toujours dans le Christ en vous souvenant de nous. PREMIÈRE QUESTION. Sur la Résurrection.

2. Quelques-uns s’émeuvent et se préoccupent de savoir quelle est celle des deux résurrections qui nous est promise : celle du Christ ou celle de Lazare. « Si c’est celle du Christ, disent-ils, comment la résurrection de celui qui n’est pas né de l’homme peut-elle ressembler à la résurrection des créatures nées selon la loi ordinaire ? Si c’est celle de Lazare, elle ne nous convient pas davantage, car c’est son propre corps non tombé en poussière, mais conservé, que Lazare a repris ; et nous, quand nous ressusciterons, notre corps sera, après bien des siècles, tiré du mélange universel. Ensuite si l’état qui suit la résurrection est un état heureux, où l’on ne puisse connaître ni les souffrances du corps ni les besoins de la faim, pourquoi le Christ ressuscité a-t-il pris de la nourriture et montré ses plaies ? S’il l’a fait pour convaincre l’incrédule, ce n’a été qu’un semblant : s’il a montré quelque chose de réel, on portera donc après la résurrection les plaies reçues pendant la vie ? »

3. On répond à ceci que ce n’est pas la résurrection de Lazare, mais celle du Christ qui représente la résurrection promise, parce que Lazare est ressuscité pour mourir une seconde fois ; « mais le Christ, selon ce qui est écrit, se levant du milieu des morts, ne meurt plus, et la mort n’aura plus d’empire sur lui[1]. » C’est la promesse faite à ceux qui ressusciteront à la fin des temps, et qui régneront éternellement avec lui. La différence entre la naissance du Christ et la nôtre n’établit aucune différence pour sa résurrection, comme elle n’en a établi aucune pour sa mort. Pour être né autrement que les hommes, sa mort n’en a pas été moins véritable ; de même la création du premier homme, formé de la terre et n’ayant pas eu de parents comme nous, ne l’a pas fait mourir autrement que nous-mêmes. Or la différence de naissance n’en est pas une pour la résurrection, pas plus que pour la mort.

4. Mais si des hommes non encore chrétiens étaient tentés de ne pas croire ce qu’on rapporte du premier homme, qu’ils tâchent de faire attention et de prendre garde à cette foule d’animaux formés de la terre sans parents ; toutefois leur union produit des animaux semblables à eux, et la différence de naissance ne change en rien leur nature ; formés de la terre ou formés selon la loi ordinaire, ils sont pareils : ils vivent et meurent de la même manière. Il n’est donc pas absurde de supposer que des corps, n’ayant pas la même origine, aient la même résurrection. Mais les hommes auxquels nous

  1. Rom. VI, 9.