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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/211

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parmi des étrangers ; vous-mêmes n’avez pas jugé ainsi l’eau de Maximien, puisque vous ne vous en êtes pas abstenus. On nous dit encore : « Ils sont devenus pour moi comme une eau menteuse, n’ayant pas la foi[1]. » Mais on répond : Cela a été dit des hommes faux qui n’appartiennent pas aux sacrements de Dieu, lesquels sacrements ne peuvent être des mensonges, même parmi les menteurs. En effet ceux-là ont menti certainement qui, selon ce que vous dites vous-mêmes, ont condamné Primien sur de fausses accusations ; toutefois l’eau dans laquelle ils baptisèrent tous ceux qu’ils purent hors de votre communion, ne fut point menteuse pour cela ; car en la recevant dans la personne de ceux que Félicien et Prétextat avaient baptisés hors de vos rangs, vous jugiez qu’elle avait gardé sa vérité, même parmi les menteurs. On nous dit : « Celui qui est lavé par un mort, quel profit en tire-t-il[2] ? » Nous répondons : Si cela a été écrit en parlant du baptême conféré par ceux que l’Église rejette comme des morts, le livre saint ne dit pas que ce baptême n’en soit pas un, mais qu’il ne sert de rien ; c’est ce que nous disons aussi. Cependant quand on rentre dans l’Église avec ce baptême, il cesse d’être nuisible et devient profitable ; et cela ne s’accomplit point par la réitération du baptême, mais par la conversion du baptisé. Ainsi le concile de Bagaïe regarde comme des morts Maximien et ses compagnons que vous aviez retranchés de votre communion « Les corps de plusieurs ont été, dit-il, jetés dans un naufrage sur d’âpres rochers par les flots de la vérité ; les rivages sont couverts de leurs cadavres comme autrefois s’amoncelaient les cadavres des Égyptiens ; leur supplice est d’autant plus grand qu’après avoir perdu la vie par des eaux vengeresses, ils ne trouvent pas même de sépulture. » Or vous avez reçu dans leurs dignités Félicien et Prétextat comme renaissant du milieu de cette troupe de morts ; et vous n’avez pas rebaptisé ceux qu’ils avaient baptisés dans cette mort ; vous avez reconnu que le baptême donné hors de l’Église par des morts ne sert pas aux morts, mais qu’il sert à ceux qui revivent en rentrant dans la communion. On nous dit : « Que l’huile du pécheur n’engraisse point ma tête[3]. » Nous répondons qu’il s’agit ici des douces et trompeuses complaisances des flatteurs, de ces complaisances qui enflent la tête des pécheurs lorsqu’on les loue dans les désirs de leur âme et qu’on les bénit du mal qu’ils font. Cela résulte suffisamment du précédent verset ; voici le passage en entier : « Le juste me reprendra dans sa charité et me corrigera ; mais l’huile du pécheur n’engraissera pas ma tête. » Le Psalmiste dit qu’il aime mieux être abaissé par la sincère sévérité d’un homme charitable, que d’être exalté par de trompeuses louanges. Mais de quelque manière que vous compreniez ce passage, ou bien vous aurez reçu l’huile des pécheurs avec ceux que Félicien et Prétextat ont baptisés dans le schisme sacrilège de Maximien, ou bien vous avez reconnu que, même sous la main des pécheurs, elle demeure encore l’huile du Christ. Car ils étaient pécheurs quand on disait d’eux dans le concile de Bagaïe : « Sachez qu’ils sont condamnés, ces coupables, d’un crime infâme qui, dans une œuvre funeste de perdition, ont ramassé tout ce qu’il y avait de fange pour faire un vase ignominieux. »

7. Ce que nous venons de dire sur le baptême suffira. Quant à votre séparation, voici les passages mal compris dont on a coutume de la colorer. Il est écrit : « Ne participez point aux péchés d’autrui[4]. » Nous répondons que celui-là participe aux péchés d’autrui, qui consent à des actions mauvaises, et non pas celui qui, étant lui-même le froment, mêlé néanmoins à la paille pendant tout le temps que l’aire est foulée, participe aux divins sacrements. Il est écrit : « Sortez de là et ne touchez pas à ce qui est impur ; qui touche ce qui est souillé se souille[5]. » Mais l’Écriture entend ici le consentement de la volonté, par lequel tomba le premier homme, et non point le commerce extérieur, par lequel Judas a donné un baiser au Christ. Car les poissons dont parle le Seigneur dans l’Évangile, enfermés bons et mauvais dans les mêmes filets et réunis jusqu’à la fin des temps, figurée par le rivage des mers[6], nagent ensemble à travers le même espace, mais leurs mœurs les séparent. Il est écrit « Un peu de levain corrompt toute la masse[7]. » Cela s’entend de ceux qui consentent aux mauvaises actions, non de ceux qui, selon le prophète Ézéchiel, gémissent et s’attristent à cause des iniquités du peuple de Dieu, qui se commettent au milieu d’eux[8].

8. Daniel gémit de se voir ainsi mêlé à des méchants[9] ;

  1. Jérém. XV, 18.
  2. Eccl. XXXIV, 30.
  3. Ps. CXL, 5.
  4. I Tim. V, 22.
  5. Isaïe, LII, 11.
  6. Matth. XIII, 48, 49.
  7. I Cor. V. 6.
  8. Ezéch. IX, 14.
  9. Dan. IX, 5-16.