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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/213

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sur le même sujet, cette prescription conforme à la règle des prophètes, qu’on ne doit, en aucune manière, abandonner l’unité de l’Église, à cause des mauvais qui se trouvent mêlés aux bons. « Car, dit-il, quoiqu’ils paraissent être dans l’Église comme l’ivraie, notre foi ou notre charité ne doit pas s’en embarrasser ; et parce que nous voyons de l’ivraie dans l’Église, il ne faut pas pour cela nous éloigner de 1’Église. Travaillons seulement pour que nous puissions être le froment[1]. »

11. Cette loi de charité est sortie de la bouche même du Christ Notre-Seigneur ; elles sont de lui les comparaisons tirées de l’ivraie qui reste dans le même champ que le bon grain jusqu’au temps de la moisson[2], et des mauvais poissons qu’on doit laisser dans les filets avec les bons jusqu’à la séparation sur le rivage[3] ; si vos pères avaient observé cette loi de charité, s’ils y avaient pensé avec la crainte de Dieu ; jamais, à cause de Cécilien et de je ne sais quels Africains, coupables selon vous, calomniés selon ce qu’on doit le plus croire, ils ne se seraient séparés criminellement de cette Église que Cyprien nous représente comme éclairant de ses rayons toutes les nations, comme étendant la richesse de ses rameaux sur toute la terre, ni de tant de peuples chrétiens qui n’ont jamais su ni leurs griefs, ni les accusateurs ni les accusés. De telles scissions s’accomplissent pour des intérêts particuliers bien plus que pour l’utilité commune ; elles s’accomplissent aussi par le vice que Cyprien lui-même rappelle ensuite et signale à notre vigilance. Car après avoir prescrit de ne pas se retirer de l’: Église parce qu’on y voit de l’ivraie, l’illustre martyr poursuit en ces termes : « Travaillons seulement pour que nous puissions être le froment, afin que quand le bon grain sera serré dans les greniers du Seigneur,.nous soyons récompensés de nos œuvres et de nos peines. L’Apôtre dit dans son épître : Dans une grande, maison, il y a non-seulement des vases d’or et d’argent, mais des vases de bois et de terre, les uns, vases d’honneur, les autres, vases d’ignominie[4]. Cherchons et travaillons, autant que nous le pourrons, à devenir des vases d’or ou d’argent. Du reste, il n’appartient qu’au Seigneur de briser les vases de terre, lui à qui la verge de fer a été donnée. Le serviteur ne peut pas être plus grand que son maître ; nul ne doit s’attribuer ce que le Père n’a accordé qu’à son Fils, et ne doit croire qu’il puisse porter la pelle et le van pour nettoyer et vanner sur l’aire, ni séparer par un jugement humain toute l’ivraie du froment. C’est là une présomption orgueilleuse, une opiniâtreté sacrilège, une œuvre de dépravation furieuse ; tandis que ces hommes dépassent ce que commande une douce justice, ils s’égarent loin de l’Église de Dieu, et, au milieu de leurs efforts arrogants pour s’élever, aveuglés par leur propre orgueil, ils perdent la lumière de la vérité. »

12. Quoi de plus clair que ce témoignage de Cyprien ! Quoi de plus vrai ! Vous voyez de quelle lumière évangélique et apostolique il resplendit ; vous voyez que les plus coupables sont évidemment ceux qui, croyant leur justice offensée par l’iniquité des autres, délaissent l’unité de l’Église. Vous voyez qu’en dehors de cette unité ils sont eux-mêmes l’ivraie, ceux qui n’ont pas voulu supporter l’ivraie dans le champ du Seigneur. Vous voyez que séparés de nous ils sont la paille, ceux qui n’ont pas voulu supporter la paille dans l’unité de la grande maison. Vous voyez combien sont vraies ces paroles de l’Écriture : « Le fils méchant se donne pour juste, mais il ne se lave pas de sa sortie[5] : » c’est-à-dire qu’il ne justifie pas, n’excuse pas, ne défend pas sa sortie de l’Église, et qu’il ne montre point qu’elle soit pure et sans crime. Il ne se lave pas: car s’il ne s’était pas donné pour juste, mais s’il l’était bien véritablement, il ne quitterait pas avec tant d’impiété les bons à cause des méchants ; il supporterait patiemment les méchants à cause des bons, jusqu’à ce que le Seigneur, par lui ou par les anges, fasse à la fin des temps la séparation du froment et de l’ivraie, du bon grain et de la paille, des vases de miséricorde et des vases de colère, des boucs et des brebis, des bons poissons et des mauvais.

13. Si vous avez entrepris d’entendre, contrairement à leur sens divin, ces témoignages des Écritures que vos pères n’ont compris ou cités que pour diviser le peuple de Dieu, n’allez pas plus avant ; si vous êtes sages, reconnaissez comme dans un miroir la conduite qui vous est tracée parla miséricordieuse providence de Dieu. Je veux parler de l’affaire de Félicien, ce déserteur de la foi, ce violateur adultère de la vérité, cet ennemi de l’Église, ce ministre de

  1. Lett. LI.
  2. Matth, XIII, 24-43.
  3. Ibid. 47-50.
  4. II Tim. II, 20.
  5. Prov. XXIV, d’après les Septante.