1. Très-peu de jours après Alype arriva. Un brillant soleil s’était levé, un ciel pur, une température aussi douce que possible pour ces contrées, durant l’hiver, nous invitèrent à descendre sur la pelouse où nous nous réunissions souvent dans l’intimité. Ma mère était aussi avec nous. La communauté de vie et une étude attentive m’avaient montré depuis longtemps, combien son esprit et son cœur étaient enflammés pour les choses divines ; mais dans une discussion assez importante que j’eus avec mes convives, à l’anniversaire de ma naissance, et dont je fis un livre[1], son intelligence s’était révélée si grande, que rien ne m’avait paru plus apte à la vraie philosophie. J’avais donc résolu de la faire assister à nos conférences quand elle en aurait le loisir. C’est ce que tu as déjà vu dans le premier livre de cet ouvrage.
2. Nous nous assîmes donc le plus commodément possible dans le lieu indiqué ; et, m’adressant aux deux jeunes gens : En dépit de ma sévérité contre vous, leur dis-je, quand vous traitiez en enfants un sujet d’un si haut intérêt, il me semble néanmoins que ce n’est pas sans un ordre et une faveur de Dieu, que le temps s’est consumé en reproches faits à votre légèreté, et qu’un tel sujet a été ajourné jusqu’à l’arrivée d’Alype. Déjà je lui ai fait connaître complètement la question, et le point où nous en sommes arrivés : ainsi donc, es-tu prêt, Licentius, à défendre, d’après ta définition, la cause que tu as embrassée ? Je crois m’en souvenir, tu as dit que l’ordre est le mobile par lequel Dieu gouverne tout. — Je suis prêt, répondit-il, autant que je le puis être. — Comment donc, ajoutai-je. Dieu gouverne tout avec ordre ? Veux-tu dire qu’il se conduit aussi lui-même avec ordre, ou que l’ordre préside à la direction de tout ce qui n’est pas lui ? — Où tout est bon, l’ordre n’est point, reprit-il ; car il y a là une égalité parfaite qui n’a pas besoin d’ordre, — Tu nies donc, qu’en Dieu, tout soit bon ? — Non. — J’en infère, ajoutai-je, que ni Dieu, ni rien de ce qui est en lui ne sont dirigés avec ordre. — Il me l’accorda. — Mais alors, dis-je, tout ce qui est bien, te paraît-il n’être pas ? — Au contraire, dit-il, c’est le bien qui existe véritablement. — Où est donc tout ce que tu as avancé, savoir, que tout ce qui existe est régi avec ordre, et que rien absolument n’est séparé de l’ordre ? — Mais il y a aussi le mal,
- ↑ C’est le livre de la Vie bienheureuse.