Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome III.djvu/464

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Littora multum ille et ; dans le quatrième Vi superum saevae, et ainsi de suite d’un bout à l’autre du poème. — Le M. Tu as raison mais réfléchis à la manière dont tu scandes, et mets toute ton attention à observer les règles incontestables que nous venons de poser tout à l’heure. — L’E. Je vois bien la méthode qu’il faut suivre ; mais elle est si nouvelle pour moi qu’elle me déconcerte. L’usage est de scander ces vers par dactyle et par spondée, et il n’est guère de personnes assez peu instruites pour l’ignorer en théorie, encore qu’elles fussent embarrassées dans la pratique. Or, si je veux suivre l’usage général, il faut renoncer à la règle qui distingue le vers à la terminaison : le premier membre, en effet, serait terminé par un demi-pied, le second par un pied complet, ce qui est juste l’ordre inverse. Mais comme on aurait le plus grand tort d’annuler cette règle, et, qu’à propos du rythme, j’ai déjà appris qu’on pouvait fort bien commencer par un pied incomplet, il n’y a plus qu’à substituer au dactyle l’anapeste combiné avec le spondée. Dans ce système, le vers commencera par une longue ; elle sera suivie de deux pieds, composés indifféremment de spondées on d’anapestes, qui termineront le premier membre. Trois anapestes ou deux spondées avant le troisième anapeste forment le second membre, et il reste une longue pour terminer régulièrement le vers. N’approuves-tu pas mon raisonnement ?

70. Le M. Je le trouve fort juste : mais c’est un point qu’il n’est pas aisé de faire comprendre à tout le monde. Telle est la force de l’habitude, qu’une fois invétérée elle devient, si elle est fille de l’erreur, la plus mortelle ennemie de la vérité. Pour composer un vers héroïque, il n’importe guère, tu le sens bien, qu’on mêle l’anapeste ou le dactyle avec le spondée ; pour le scander logiquement, opération qui dépend de la raison et non de l’oreille, on ne doit pas s’appuyer sur un préjugé, mais procéder avec méthode. La méthode que j’applique ici n’est pas de mon invention, elle est même bien antérieure à la routine quia prévalu. Qu’on lise les auteurs grecs ou latins qui ont le plus approfondi cette matière ; on apprendra avec moins de surprise quels sont nos principes. Mais ne faut-il pas rougir de sa faiblesse, quand on a recours à l’autorité pour appuyer la raison ? Rien ne devrait prévaloir sur l’autorité qui environne la raison et la vérité pure, si supérieure à l’homme, quel que soit son génie. Nous devons recourir à l’autorité des anciens, quand il s’agit de voir s’il faut prononcer une syllabe longue ou brève, afin de rester fidèles à l’usage dans l’emploi des mêmes mots. En pareil cas il y a autant de paresse à négliger l’usage que de témérité à innover. S’agit-il de scander un vers ? alors il faut bien se garder d’obéir au préjugé invétéré plutôt qu’à l’éternelle raison. Car l’oreille d’abord nous révèle la juste mesure du vers ; un examen logique du nombre des pieds nous la fait approuver, et, pour comprendre qu’il faut clore le vers par une terminaison saillante, il suffit de voir que le vers doit avoir une terminaison plus marquée que les mètres, et qu’une terminaison en ce cas est bien marquée par un temps plus court, puisqu’il y a là une limite et en quelque sorte un frein qui fixe et arrête la durée.

CHAPITRE VI.

SUITE DU CHAPITRE PRÉCÉDENT.

11. S’il en est ainsi, le second membre ne peut jamais se terminer que par une fraction de pied. Quant au premier membre, il doit commencer tantôt par un pied complet, comme dans ce vers trochaïque

Roma, Roma, cerne quanta sit deum benignitas ; tantôt par un pied incomplet, comme dans ce vers héroïque :

Arma virumque cano Trojae qui primus ab oris

Ici trêve à tes doutes, et, s’il te plaît, scande-moi ce vers, en me disant quels en sont les deux membres et les différents pieds :

Phaselus ille quem videtis, hospites[1],

L’E. Je remarque que les deux hémistiches sont partagés en cinq et sept demi-pieds ; en sorte que les mots Phaselus ille, forment le premier, et ceux-ci : quem videtis, hospites, le second : quant aux pieds, ce sont des iambes. — Le M. Une question : Ne songes-tu pas que, dans ta manière de scander, le second hémistiche se termine par un pied complet ? — L’E. Cela est juste et je ne sais à quoi j’ai pensé. Comment

  1. Ce vaisseau que vous voyez, étrangers.