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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome III.djvu/479

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Mais que ces principes soient ou non localisés ainsi dans les organes, l’âme, les dirige avec calme, lorsque les éléments de la santé se combinent dans une harmonie parfaite ; se rencontre-t-il des éléments qui rendent pour ainsi dire le corps hétérogène, aussitôt elle se livre à des actes plus attentifs, mieux appropriés aux parties affectées, aux organes en souffrance ; c’est à ce titre qu’elle voit, qu’elle entend, qu’elle flaire, qu’elle goûte, qu’elle sent par le toucher, pour employer le langage ordinaire : et dans ces opérations, elle prend plaisir à assimiler les objets sympathiques ; elle souffre en repoussant les éléments contraires. Voilà les actes que, selon moi, l’âme accomplit à propos des modifications du corps, loin d’éprouver les mêmes modifications.

11. 0r, il s’agit maintenant d’expliquer les nombres qui sont produits par les sons et de discuter sur le sens de l’ouïe : il n’est donc pas nécessaire de s’étendre longuement sur les autres sens. Ainsi, revenons à la question et examinons si le son produit quelque impression sur l’ouïe : Diras-tu que non ? — L’E. Cent fois non. — Le M. Eh quoi ? ne m’accorderas-tu pas que l’oreille est un organe vivant ? — L’E. le l’accorde. — Le M. Donc puisque le fluide, qui circule dans cet organe[1], est mis en — mouvement par la percussion de l’air, faut-il penser que. Pâme, qui, avant d’entendre ce son, communiquait intérieurement à l’appareil de l’ouïe le mouvement et-la vie, ait suspendu l’action insensible par laquelle elle animait l’organe, ou bien qu’elle communique au fluide ébranlé au-dehors, le même mouvement qu’elle faisait, avant que le son ne s’introduisît dans l’oreille ? — L’E. Assurément ce n’est pas — le même mouvement. — Le M. Et si ce n’est pas le même mouvement, ne faut-il pas voir là un acte de l’âme, plutôt qu’une modification purement passive ? — L’E. C’est vrai. — Le M. Nous avons donc raison de croire que l’âme a conscience de ses mouvements, soit qu’on les appelle actes, opérations, ou qu’on emploie un terme plus expressif, s’il existe, pour les désigner.

12. Ces actes s’accomplissent même à la suite d’impressions produites sur le corps : par exemple, lorsque les objets interceptent la lumière, que le son s’introduit dans l’oreille, les émanations des corps dans les narines, les saveurs dans le palais, lorsque le reste du corps est en contact avec des objets extérieurs, solides et palpables ; ou que, dans le corps lui-même, un organe passe d’un lieu à un autre, ou qu’enfin le corps entier lui-même s’ébranle par une impulsion intérieure ou extérieure tous ces actes que l’âme accomplit à la suite des impressions physiques, lui plaisent quand elle s’y associe, lui déplaisent, quand elle y résiste. Que si elle souffre de ces opérations ; c’est un effet de sa propre activité, et non du corps. Mais dans ce cas elle se prête docilement aux impressions physiques : car alors elle s’appartient moins, le corps étant toujours au-dessous de l’âme.

13. Si donc elle abandonne le Maître pour l’esclave, elle se dégrade nécessairement mais si elle abandonne l’esclave pour le Maître, nécessairement elle se perfectionne, et ; tout ensemble, fait à l’esclave une existence douce, sans peine ni tracas, laquelle n’exige, dans son calme profond, aucun effort d’activité. Cet état du corps est ce qu’on appelle la santé. La santé n’exige aucune attention de notre part, non que l’âme soit alors inactive dans le corps, mais aucun acte ne lui coûte moins de peine. Dans tous nos actes en effet l’attention est d’autant plus excitée que l’œuvre est plus difficile. Mais la santé n’arrivera à son plus haut point de force et de solidité que lorsque notre corps sera rendu à sa perfection première[2], dans le temps et dans l’ordre qui lui sont fixés, et il est salutaire de croire à cette résurrection, avant même d’en avoir la pleine intelligence.

Au-dessus de l’âme, il n’y a que Dieu, au-dessous d’elle, que le corps, si on considère l’âme avec toutes ses facultés dans toute leur puissance. Comme elle ne peut posséder la plénitude de son être sans son Maître, elle ne peut dominer sans son esclave ; et si son Maître est plus qu’elle, son esclave est moins qu’elle. Aussi, quand elle est tournée tout entière vers son Maître, elle comprend ses grandeurs éternelles, son être s’agrandit, et par elle, celui de l’esclave. Mais si, devenue indifférente pour son Maître, elle se laisse entraîner vers l’esclave par la concupiscence de la chair, alors elle ressent les mouvements qu’elle exécute pour lui, et s’amoindrit ; toutefois, dans son abaissement, elle est encore plus

  1. Il y a là comme au pressentiment des ondes sonores de la physique moderne.
  2. Rét. liv. 1, chap. 11, n.3.