39. « Trouveras-tu au lion sa pâture, apaiseras-tu la faim du dragon ? » Ceci s’applique au démon. « Tu fouleras aux pieds le lion et le dragon [1] », à cause de ses perfidies et de sa rage. Tous ses anges sont donc comparés au lion et au dragon. Celui-là trouve leur pâture et apaise leur faim, qui livre à leur puissance tous les hommes convaincus d’impiété. Ceux-ci voudraient sans doute qu’on ignorât leur vie impie ; mais en paraissant devant Dieu, ils ne peuvent plus échapper au pouvoir du démon et de ses anges, dont ils ont suivi les pernicieux conseils.
40. « Ils tremblent dans leurs cavernes », pendant qu’ils préparent secrètement leurs embûches : s’ils ne tremblaient pas, qui pourrait leur résister ? Ils redoutent la puissance de Celui à qui ils disaient : « Pourquoi êtes-vous venu nous perdre avant le temps » ? Et s’il est vrai que jamais, sans sa permission, ils ne fussent entrés dans le corps des pourceaux[2], il est également certain que sans cette permission, ils ne pourraient nous faire aucun mal. Celui qui dispose de tout dans sa justice leur a donné ce pouvoir, pour nous éprouver, pour se venger, nous faire expier nos fautes, ou nous en faire subir le châtiment éternel. « Ils guettent leur proie, cachés au fond des forêts. » Jamais en eux l’amour du mal n’est en repos, même lorsque Dieu arrête leur malice. Les occasions charnelles sont comme la forêt ténébreuse où sont tendus leurs pièges ; ils épient ceux qui se laissent prendre à la loi de Dieu, ceux qui ne peuvent nier leurs péchés, et ils les réclament comme leur pâture.
41. « Qui a préparé au corbeau sa nourriture, pendant que ses petits errent çà et là, et que cherchant à manger ils crient vers le Seigneur ? » C’est exactement la pensée contenue dans ces paroles d’un Psaume : « Les petits du corbeau poussent des cris vers lui[3]. » Ce passage ne peut être pris en mauvaise part, puisqu’ils invoquent le Seigneur. Ils sont noirs, représentent les pécheurs qui ne sont pas blanchis encore par la rémission des péchés ; petits, parce qu’ils sont humbles ; errants çà et là, ils ne connaissent pas encore la vérité qu’ils cherchent avec piété puisqu’ils crient vers le Seigneur. La nourriture peut être prépa rée au corbeau lui-même, car la prescience divine peut découvrir la conversion future de celui qui.nes'humilie pas encore ; mais ce sont les petits, c’est-à-dire les humbles, qui crient vers le Seigneur.
CHAPITRE XXXIX. – Interrogations du Seigneur à Job sur la nature et les propriétés de certains animaux.
1 « Sais-tu quand enfantent sur les rochers les chèvres sauvages, τραγελάφι ? » Ce mot vient de τραγος, bouc, et de ελςθος, cerf. Le tragélaphe est donc un animal qui tient du bouc et du cerf : il figure l’âme qui obéit à la loi de Dieu dans son cœur, mais qui sous l’impression des passions dont le bouc est l’image, sent encore dans ses membres une autre loi qui s’élève contre la loi de son esprit et qui la tient captive sous la loi du péché [4]. Il enfante sur les rochers au temps marqué, s’il appuie ses actes de vertu sur les saintes Écritures. C’est ainsi que vivent tranquilles au sein de l’espérance ceux dont la chair lutte contre l’esprit, et l’esprit contre la chair, jusqu’à ce qu’enfin, avec la rapidité du cerf, ils échappent aux ruses du serpent, vivent de l’esprit et obéissent à ses lois[5]. Désormais le péché, dont le bouc est la figure, ne règne plus dans leur corps mortel, parce qu’ils n’en suivent plus les désirs déréglés[6]. « As-tu observé l’enfantement des biches ? » Ce sont les sociétés des hommes vraiment spirituels, qui nous proposent avec un soin tout maternel l’imitation de leurs vertus. Ils n’ont point à craindre les captieuses doctrines du serpent, parce qu’ils s’appuient pour s’en défendre, sur Dieu et non sur eux-mêmes.
2. « As-tu compté les mois qu’elles portent leur fruit ? » Si les Églises enfantent à la grâce, c’est par l’Évangile, que prêcha le Seigneur, pendant les mois destinés à sa mission de docteur, depuis son baptême jusqu’à sa Passion et son Ascension. « As-tu fait cesser leurs douleurs ? » C’était dans la douleur qu’on s’écriait « Mes bien-aimés, que j’enfante de nouveau jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous[7]. » Ces douleurs sont apaisées après l’enfantement, c’est-à-dire quand ceux qui font ainsi gémir ont reçu la vérité en suivant l’impulsion donnée à leur conscience par la parole de Dieu.
3. « As-tu nourri leurs jeunes faons sans leur inspirer de crainte ? » nourri du lait des sacrements, les disciples exempts de l’esprit de frayeur ? Car ils n’ont point reçu l’esprit de servitude pour secondaire par la crainte[8]. « As-tu séparé d’elles leurs petits ? » pour les abandonner en liberté dans les gras pâturages de la vie spirituelle.