Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/390

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lui pendant l’éternité et dont il est aussi le chef comme de son propre corps. C’est par rapport à la résurrection de ceux-ci qui il a été prédestiné et choisi pour marcher à leur tête ; quant aux autres qui ressusciteront sans lui être unis, il ne sera pas leur prince, il sera leur juge. Il n’a donc pas été prédestiné à la résurrection des morts qu’il doit condamner. Car en disant qu’il a été prédestiné à la résurrection des morts, l’Apôtre veut nous faire entendre qu’il précédera les morts dans leur résurrection ; or il n’a précédé que ceux qui doivent entrer à sa suite dans le royaume céleste, où il est entré le premier. C’est pour cela que l’Apôtre ne dit pas : « Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui a été prédestiné à la résurrection des morts » mais il dit : « à la résurrection des morts de Jésus-Christ Notre-Seigneur » en d’autres termes : Fils de Dieu, il a été prédestiné à la résurrection de ses morts, c’est-à-dire de ceux qui lui appartiennent pour la vie éternelle ; c’est comme si on demandait à l’Apôtre : de quels morts ? Et qu’il répondit : des morts de Jésus-Christ Notre-Seigneur. Car il n’a pas été prédestiné à la résurrection des autres morts, qui sans doute ne le suivront pas dans la gloire de la vie éternelle, où il ne les a point précédés, puisque les impies ressusciteront pour subir les châtiments qui leur sont dus. Ainsi le Fils unique de Dieu a été prédestiné à la résurrection des morts » pour être aussi le premier-né d’entre les morts : mais d’entre quels morts, sinon d’entre les morts de Notre-Seigneur Jésus-Christ ? »

6. La grâce de l’Apostolat. — « Par qui nous avons reçu la grâce et l’apostolat. — La grâce » avec tous les fidèles ; « l’apostolat » avec quelques-uns seulement. Si l’Apôtre disait uniquement qu’il a reçu l’apostolat, il serait coupable d’ingratitude par rapport à la grâce par laquelle il a obtenu le pardon de ses péchés ; il paraîtrait alors avoir reçu l’apostolat comme une récompense due à ses œuvres précédentes. Mais il parle avec une exactitude parfaitement rigoureuse, et personne ne doit avoir la témérité d’attribuer sa propre entrée dans le christianisme au mérite de sa vie précédente, puisque les Apôtres eux-mêmes, élevés après le chef au-dessus des autres membres du corps, n’auraient pu rigoureusement recevoir l’apostolat, s’ils n’avaient auparavant reçu, comme les autres fidèles, la grâce qui guérit les pécheurs et qui les rend justes. Saint Paul ajoute ensuite : « Afin qu’on obéisse à la foi, parmi toutes les autres nations, pour son nom. » Il veut dire, par ces paroles, qu’il a reçu l’apostolat afin qu’on obéisse à la foi pour le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire afin que tous croient en Jésus-Christ, et que ceux qui désirent être sauvés soit marqués de son nom. Il montre de plus que le salut n’est pas offert aux Juifs seuls, comme le croyaient plusieurs d’entre eux qui avaient reçu la foi : « Dans toutes les nations, dit-il, parmi lesquelles vous avez été, vous aussi, appelés par Jésus-Christ » précisément afin que vous apparteniez, vous aussi, à ce même Jésus-Christ, le Sauveur de toutes les nations, quoique vous n’ayez pas été trouvés au nombre des Juifs, mais au nombre des Gentils.

7. A qui s’adresse l’Epître. — Jusqu’à présent l’Apôtre a dit quel est celui qui écrit l’Épître. Il se nomme « Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l’apostolat, séparé du troupeau pour l’Évangile de Dieu. » Mais comme on aurait pu lui demander : Quel est cet Évangile ? Il a ajouté L’Évangile qu’il avait promis auparavant par ses prophètes dans les saintes Écritures touchant son Fils. » Comme on pourrait lui demander encore : Quel est ce Fils ? il dit : « Qui lui est né de la race de David, selon la chair ; qui a été prédestiné, Fils de Dieu qu’il est avec la puissance de répandre l’Esprit de sanctification, « à la résurrection des morts de Notre-Seigneur Jésus Christ. » Et comme si on lui demandait encore : Comment vous-même lui appartenez-vous ? Il répond : « Par qui nous avons reçu la grâce et l’apostolat, pour qu’on obéisse à la foi parmi toutes les nations, en son nom. » Enfin à cette dernière question : Pour quelle raison nous écrivez-vous ? il répond en disant : « Parmi lesquelles vous êtes, vous aussi, les appelés de Jésus-Christ. » Puis, afin de se conformer au style épistolaire, il désigne les personnes auxquelles il écrit : « À tous ceux, dit-il, qui sont à Rome, aux bien-aimés de Dieu, à ceux qui sont appelés à la sainteté. » Ici encore il montre plutôt la miséricorde de Dieu que le mérite de ceux à qui il écrit. C’est pour cette raison qu’il ne dit pas : à ceux qui aiment Dieu, mais : « aux bien-aimés de Dieu. » C’est Dieu en effet qui nous a aimés le premier, antérieurement à tout mérite de notre part, afin que nous l’aimions nous-mêmes après avoir été aimés de lui[1]. Saint Paul ajoute par la même raison : « À ceux qui sont

  1. 1 Jn. 4, 19