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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/96

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accordera lorsque je me convertirai. – Sans doute, au moment où tu te convertiras il te l’accordera. Mais ce moment, quand arrivera-t-il ? Pourquoi n’est-ce pas aujourd’hui ? Pourquoi n’est-ce pas en cet instant où tu m’écoutes ? Pourquoi n’est-ce pas maintenant que tu t’acclames, maintenant que tu applaudis ? Que mes cris te soutiennent, que les tiens te condamnent. Pourquoi n’est-ce pas aujourd’hui ? Pourquoi n’est-ce pas à l’instant ? Demain, dis-tu ; car Dieu m’a promis le pardon. Et c’est toi qui te promets un demain ? Eh bien ! si tu me montres dans le livre, sacré que Dieu t’a promis le jour de demain comme il a promis le pardon à quiconque est converti, j’y consens, diffère jusqu’à demain. Mais n’est-ce pas lui qui, pour te pénétrer d’une salutaire frayeur et en t’adressant de justes reproches, a dit en premier lieu : « Ne diffère point de jour en jour, car sa colère viendra soudain ? » Tu crains donc, homme sage, de mener une bonne vie pendant plus de deux jours ? Si c’est demain que tu commences cette bonne vie, commence dès aujourd’hui et elle aura deux jours. De cette manière encore, si le jour de demain vient à te faire défaut, celui d’aujourd’hui te mettra en sûreté, et si tu vis encore demain, ce sera un jour de plus. Quoi ! tu désires une longue vie, et tu ne crains pas une mauvaise vie ! Tu veux vivre longtemps et vivre mal ! Tu cherches un long mal ; pourquoi ne pas chercher plutôt un long bien ? Est-il rien que tu ne veuilles avoir en bon état ? La vie sera donc la seule chose mauvaise qui tombera sur toi ? Si je te demande quel vêtement tu désires : Un bon réponds-tu quelle campagne ? une bonne : quelle épouse ? une bonne ; quels enfants ? de bons : quelle demeure ? une bonne. La vie est la seule chose que tu veuilles mauvaise. Comment ? Tu préfères la vie à tous tes biens et de tous ces biens la vie est la seule chose que tu veuilles mauvaise ? Tous ces objets que tu voulais bons, vêtements, maison, campagne, et les autres, tu es disposé à les sacrifier pour ta vie. Qu’on vienne à te dire : Tous ces biens ou la vie ; tu es prêt à les donner tous pour la conserver même mauvaise. Pourquoi ne pas la vouloir bonne, quand pour elle tu donnes tout ? Ainsi tu n’as plus d’excuse : accuse-toi pour n’être pas condamné. Après le sermon : Nous exhortons votre charité à écouter avec soin et avec vigilance la parole de Dieu, quand les prêtres en sont les ministres. Car le Seigneur notre Dieu est la vérité même que vous entendez, quelle que soit la bouche qui l’exprime ; et il n’y a de premier parmi vous que celui qui est le dernier. Pour nous conformer à l’usage, nous avons dû parler d’abord : à vous maintenant d’obéir par amour.


SERMON XXI. DE L’AMOUR DE DIEU[1].

ANALYSE. – C’est notre devoir de nous réjouir dans le Seigneur, c’est aussi notre bonheur. Ce bonheur ne saurait être complet que dans le ciel ; on peut néanmoins le goûter déjà sur la terre. – I. Par quel moyen ? Dieu étant invisible, Dieu étant charité, avoir la charité c’est posséder Dieu, c’est avoir le moyen de se réjouir en lui. Réservez donc votre amour à Dieu, ne le répandez point désordonnément sur les créatures ; gardez-vous d’aimer les créatures plus que Dieu. — II. Car Dieu a un double droit à la fidélité de votre cœur. Vous devez l’aimer parce qu’il vous a créés ; vous devez, l’aimer peut-être plus encore parce qu’il vous a rachetés. Comment donc se fait-il qu’on aime la terre ou la boue plus que lui ? — III. Afin de parvenir à l’aimer et à vous réjouir en lui, aimez tout ce qu’il commande ; ayez confiance en lui, bien qu’il ne vous exauce pas quelquefois ; acceptez pieusement les épreuves qu’il vous envoie ; faites enfin bon usage de vos biens ; possédez-les sans en être possédés. Les trois idées principales de ce sermon se rapportent ainsi 1° aux effets, 2° à la nécessité de l’amour de Dieu, et 3° aux moyens de le développer dans le cœur.
1. Voici ce que nous avons chanté de bouche et de cœur ; voici les paroles qu’ont adressées au Seigneur la conscience et la langue chrétienne « Le juste se réjouira dans le Seigneur », non dans le siècle. « La lumière s’est levée sur le juste, est-il dit ailleurs, et la joie sur ceux qui ont le cœur droit. [2] » Veux-tu savoir d’où vient cette joie ? écoute : « Le juste se réjouira dans le Seigneur », et s’il est dit : « La lumière s’est levée sur le juste », il est dit aussi « Réjouis-toi dans le Seigneur, et il remplira les désirs de ton cœur[3]. »

  1. Ps. 63, 11
  2. Ps. 96, 11
  3. 1 Jn. 3, 2