Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/102

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Je le dis en un mot : Marcher, c’est progresser ; je le dis ainsi dans la crainte que ne le comprenant pas, vous marchiez moins vite. Avancez donc, mes frères ; examinez-vous toujours sans vous tromper, sans vous flatter, sans vous caresser ; car il n’y a personne, au dedans de toi, qui te doive porter à rougir ou à te vanter. Il y a bien quelqu’un ; mais c’est quelqu’un à qui plaît l’humilité. Ah ! que celui-là te contrôle. Sache aussi te contrôler toi-même, et pour arriver à ce que tu n’es pas encore, aie constamment horreur de ce que tu es. Te plaire en quelque chose, ce serait t’arrêter. Si donc pour ton malheur il t’est arrivé de dire : c’est assez ; va désormais toujours en avant, augmente et progresse toujours ; garde-toi de t’arrêter, de retourner ou de t’égarer. Ne pas avancer, c’est s’arrêter ; retourner, c’est retomber dans les désordres auxquels on avait renoncé ; s’égarer, c’est s’éloigner de la, voie ; or il vaut mieux y rester en boitant, que de s’en éloigner en courant. Tournons-nous avec un cœur pur, etc.


SERMON CLXX.
AU CIEL LA VRAIE JUSTICE[1].

ANALYSE. – Pourquoi l’apôtre saint Paul regarde-t-il comme un fumier la justice qu’il a pratiquée en vivant irréprochablement sous le joug de la loi ? Saint Augustin en donne trois raisons principales. La première, c’est que par suite du péché originel, dont le Christ fut exempt, tous les hommes ressentent des inclinations perverses qui ne les laissent pas innocents devant Dieu. La seconde, c’est que les Juifs s’attribuaient à eux-mêmes la justice qu’ils observaient sous la loi, au lieu de la faire remonter jusqu’à Dieu, sans la grâce de qui on ne peut rien. La troisième enfin, c’est que toute la perfection pratiquée sur la terre n’est rien si on la compare à la perfection et à la félicité du ciel. Attachons-nous donc invinciblement au Christ qui nous y conduit.

1. Il y a une liaison si intime entre tous ces textes sacrés, qu’ils semblent ne former qu’une seule leçon : c’est que tous, aussi bien, sont du même auteur. Nombreux sont les ministres qui exercent le ministère de la parole ; mais tous puisent à une source unique. Dans le passage de l’Apôtre qui vient de nous être lu, on pourrait s’étonner de rencontrer ces paroles : « Après avoir pratiqué sans reproche la justice de la loi, j’ai considéré comme une perte, à cause du Christ, ce qui était un avantage pour moi. Non-seulement, poursuit-il, je l’ai considéré comme une perte, je le regarde même comme un vil fumier, afin de gagner le Christ et d’être trouvé en lui, possédant, non ma propre justice, qui vient de la loi, mais la justice qui vient de la foi en Jésus-Christ ». Comment assimiler à une perte et à un fumier la vie irréprochable qu’on a menée conformément à la justice de la loi ? Qui a donné cette loi ? N’est-ce pas Celui qui devait venir ensuite pardonner aux coupables qui l’auraient enfreinte ? Il est bien vrai qu’il est venu pardonner à ceux que la loi considérait comme criminels ; mais la loi considérait-elle comme criminels ceux qui dans leur vie observaient irréprochablement la justice qu’elle commandait ? D’ailleurs, si le Fils de Dieu est venu apporter aux infracteurs de la loi le pardon de tous leurs crimes, aurait-il refusé ce pardon à l’apôtre Paul affirmant qu’il a vécu sous la loi sans mériter de reproche ? Écoutons le même Apôtre ; ailleurs il s’exprime ainsi Ce n’est point, dit-il, à cause de nos œuvres, « mais en considération de sa miséricorde, « qu’il nous a sauvés dans le bain régénérateur[2] ». Il dit encore : « Moi qui étais auparavant blasphémateur, persécuteur et outrageux,

  1. Phi. 3, 6-16
  2. Tit. 3, 5