Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/312

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le glaive[1] ». Considère comme il est venu disjoindre, comme il est venu séparer. Il sépare les saints, il sépare les impies, il sépare de toi tout ce qui est un obstacle. Tel fils veut servir Dieu, son père l’en empêche vient le glaive de Dieu, vient la parole de Dieu, qui sépare le fils du père. Telle fille veut, sa mère ne veut point, le glaive les sépare mutuellement. Telle bru veut, sa belle-mère ne veut point, apportez le glaive à deux tranchants, qu’il vous donne des promesses pour la vie présente, et des promesses pour la vie éternelle, le soulagement par les biens de la terre, la jouissance des biens de l’éternité. Voilà le glaive tranchant des deux côtés, promettant les biens du temps elles biens de l’éternité. En quoi nous a-t-il trompés ? L’Église de Dieu n’était-elle point jadis dans le monde entier ? Elle y est maintenant. Autrefois on la lisait dans les livres, on ne la voyait pas : on la voit aujourd’hui, comme on la lit dans les promesses. Tout ce qui nous est promis selon le temps regarde l’un des tranchants du glaive ; tout ce qui est de l’éternité regarde l’autre tranchant. Tu as donc l’espérance des biens futurs, comme tu as la consolation dans les biens présents, ne te laisse point aller à celui qui veut te retirer de Dieu ; ni père, ni mère, ni sœur, ni Épouse, ni ami, que nul ne te retire de Dieu ; et alors le glaive à deux tranchants te sera avantageux. C’est pour ton bien qu’il te sépare, et t’attacher trop serait ton mal. Notre-Seigneur est donc venu avec un glaive à double tranchant, promettant les biens éternels, accomplissant les promesses temporelles. De là viennent en effet, ce que nous appelons les deux Testaments. Qu’étaient donc « ces framées à deux tranchants, dans leurs mains ? » Les deux Testaments sont un glaive à double tranchant. L’Ancien promet des biens terrestres, le Nouveau des biens éternels. Dans l’un et dans l’autre s’est vérifiée cette parole de Dieu : « comme un glaive à double tranchant ». Pourquoi est-il entre les mains, et non sur la langue ? « Entre leurs mains », est-il dit, « sont des framées à double tranchant ». Entre leurs mains signifie en leur puissance. Ils ont donc reçu la parole de Dieu, afin de la prêcher, et où ils voulaient, et à qui ils voulaient, sans craindre aucune puissance, et sans mépriser la pauvreté. Ils avaient en main ce glaive dont ils frappaient, et qu’ils tournaient, qu’ils faisaient vibrer où ils voulaient ; tout cela était au pouvoir des prédicateurs. Si cette parole n’était en leur pouvoir, on pourrait dire : Comment cette parole est-elle un glaive à deux tranchants, et comment se trouve-t-il entre leurs mains ? Si donc cette parole n’est point entre leurs mains, comment est-il écrit : « Voilà que la parole de Dieu fut entre les mains du prophète Aggée[2] ? » Est-ce à dire, mes frères, que Dieu écrivit sa parole sur les doigts de ce Prophète ? Que signifie dès lors entre ses mains ? C’est-à-dire que la puissance lui fut donnée de prêcher la parole de Dieu. Enfin nous pourrions entendre encore d’une autre façon entre ses mains ; car prêcher la parole de Dieu c’est l’avoir sur la langue, et l’écrire c’est l’avoir dans ses mains. « Et des glaives à double tranchant dans leurs mains ».
13. Vous voyez dès à présent, mes frères, comment les saints sont armés ; considérez aussi leurs exploits sacrés, leurs glorieux combats. Car s’il y a un général, il y a des soldats ; s’il y a des soldats, il y a des ennemis ; s’il y a une guerre, il faut une victoire. Or, qu’ont fait ceux-ci avec les glaives à deux tranchants entre leurs mains ? C’était « pour tirer vengeance des nations[3] ». Voyez si les nations n’ont pas subi cette vengeance. Elle s’exerce chaque jour ; et c’est ce que nous faisons maintenant en vous parlant. Voyez comment nous taillons en pièces les nations de Babylone. On lui rend au double ce qu’elle a fait, selon cette parole : « Rendez-lui le double de ses victoires[4] ». Comment lui rendre au double, sinon parce que les saints tirent ces glaives à deux tranchants, et en foot des massacres, des meurtres, des séparations, et le paganisme s’éteint, et les idoles se brisent. Comment lui rendre au double ? Pour elle, quand elle persécutait les chrétiens, elle tuait le corps, mais ne brisait pas Dieu ; maintenant on lui rend au double, puisque les païens s’éteignent et que les idoles sont brisées. Mais, diras-tu, comment sont tués les païens ? Comment, sinon en devenant chrétiens ? Je cherche le païen, et je ne le trouve plus, il est chrétien : donc le païen est mort en lui. S’ils ne sont tués de la sorte, comment fut-il dit à Pierre : « Tue et mange[5] ? » Comment donc mourut Saul le persécuteur, et comment se leva Paul

  1. Mt. 10,31
  2. Agg. 1,1
  3. Ps. 149,7
  4. Apoc. 18,6
  5. Act. 10,13