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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/63

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point l’homme car « tout est pur pour les hommes purs[1] » ; et « toute créature de Dieu est bonne, et il ne faut rien rejeter de ce que l’on reçoit avec actions de grâces[2] ». C’était une figure chez les Juifs, que cette impureté de certaines créatures[3]. Mais quand la lumière est venue, les ombres disparaissent, nous ne sommes plus enchaînés par la lettre, mais vivifiés par l’Esprit ; et les chrétiens n’ont pas été assujettis au joug des observances légales qui pesaient sur les Juifs, puisque le Seigneur a dit : « Mon joug est doux, mon fardeau est léger[4] ». « Tout est pur pour ceux qui sont purs », dit encore l’Apôtre ; « quant aux hommes impurs et aux infidèles, « pour eux rien n’est pur, mais leur raison et leur conscience sont impures et souillées[5] ». Qu’entend par là saint Paul ? Pour l’homme qui est pur, le pain et la chair de pourceau sont purs ; mais pour l’homme qui ne l’est point, ni le pain ni la chair de pourceau ne le sont non plus. « Rien n’est pur pour l’homme impur et infidèle ». Pourquoi rien n’est-il pur ? « C’est que leur pensée et leur conscience sont souillées » ; et si rien n’est pur à l’intérieur, rien ne saurait l’être à l’extérieur. Dès que rien ne saurait être pur au-dehors pour les hommes dont l’intérieur est impur, purifie en toi l’intérieur, si tu veux que l’extérieur soit pur. Là est cette bouche qui sera remplie de joie même pendant son silence. Car si tu es dans la joie même en silence, ta bouche crie vers le Seigneur. Mais examine d’où vient la joie. Si elle te vient du monde, tu ne jetteras devant Dieu que les cris d’une joie impure ; si ta joie vient de la rédemption, ainsi qu’il est dit dans le psaume : « Quand le Seigneur a délivré Sion de la captivité, nous avons été comme ceux que l’on a consolés », alors ta bouche est pleine de joie, et ta langue d’allégresse ; ta joie est évidemment une joie d’espérance, une joie agréable à Dieu. C’est par cette joie, c’est par cette bouche intérieure que notre cœur se nourrit et s’abreuve : elle est pour l’entretien du cœur, comme la bouche extérieure pour l’entretien du corps. C’est de là en effet qu’il est dit : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés[6] ».
7. S’il n’y a pour nous souiller que ce qui sort de notre bouche, et si dans cette parole de l’Évangile nous ne comprenons que la bouche de notre corps, il serait absurde néanmoins et ridicule de croire que l’homme ne saurait être souillé quand il mange, et qu’il le deviendrait par le vomissement. Le Seigneur dit en effet : « Ce n’est point ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme, mais ce qui en sort[7] ». Quoi donc ? Manger ne te souillera pas, et vomir te souillera ? Boire ne te souillera pas, et cracher te souillera ? Cracher, c’est en effet rejeter quelque chose de ta bouche, et boire c’est y faire entrer quelque chose. Que veut dire cette parole du Seigneur : « Ce n’est point ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme, mais ce qui en sort ? » Dans un autre Évangile, il continue en expliquant ce qui sort de la bouche : afin de te montrer qu’il ne parle plus de la bouche du corps, mais de la bouche du cœur. Il dit en effet : « C’est du cœur que sortent les pensées mauvaises, les fornications, les homicides, les blasphèmes : voilà ce qui souille l’homme ; mais manger sans s’être lavé les mains, ne souille pas l’homme[8] ». Comment donc, mes frères, ces crimes peuvent-ils sortir de notre bouche, sinon parce qu’ils sortent de notre cœur, comme le dit le Seigneur lui-même ? Ce n’est point quand nous en prononçons les noms qu’ils nous souillent. Que nul ne dise : C’est quand nous parlons de ces péchés qu’ils sortent de notre bouche, puisque de notre bouche sortent des sons et des paroles, et quand nous disons ce qui est mauvais nous sommes impurs. Qu’un homme, sans parler, arrête sa pensée au mal, est-il donc pur, parce que rien n’est sorti de la bouche de son corps ? Mais Dieu a déjà entendu ce qui sortait de la bouche de son cœur. Comprenez donc ceci, mes frères : Je prononce le mot larcin ; mais pour avoir prononcé ce mot de larcin, le larcin m’a-t-il souillé ? Le mot est sorti de ma bouche, mais sans m’avoir rendu impur. Un voleur se lève la nuit, sa bouche est silencieuse, mais l’action le rend impur. Non seulement il ne parle point de son crime, mais il affecte le plus grand silence, et il craint tellement que sa voix ne soit entendue, qu’il redoute jusqu’au bruit de ses pas : est-il donc pur dès lors qu’il garde un tel silence ? Je vais plus loin, mes frères. Le voilà qui est

  1. Tit. 1,15
  2. 1 Tim. 6,4
  3. Lev. 11
  4. Mt. 11,30
  5. Tit. 1,15
  6. Mt. 5,6
  7. Mt. 15,2
  8. Id. 19,20 ; Mc. 7,5-23