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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/643

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autres, il en éveille la sagacité. « Celui qui n’entre point par la porte dans la bergerie des brebis, mais qui y pénètre autrement ». Malheur à cet infortuné, parce qu’il tombera immanquablement ! Qu’il se baisse donc pour entrer par la porte ; puisqu’il marche sans crainte, il ne se blessera pas. « Celui-là est un voleur et un brigand ». Il veut appeler siennes les brebis d’autrui ; il veut les faire siennes, en les dérobant, non pour les sauver, mais pour les faire périr. Il est donc un voleur, puisqu’il appelle sien ce qui appartient à autrui ; il est un brigand, puisqu’il tue ce qu’il a volé. « Celui qui entre par la porte est le pasteur des brebis ; le portier lui ouvre ». Quand le Sauveur nous aura dit ce que c’est que la porte et qui est le pasteur, nous chercherons à savoir qui est ce portier. « Et les brebis écoutent sa voix, et il appelle ses propres brebis par leur nom ». Car il a leurs noms écrits dans le livre de vie. « Il appelle ses propres brebis par leur nom ». Voilà pourquoi l’Apôtre a dit : « Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent [1]. Et il les conduit hors de la bergerie, et quand il a fait sortir ses brebis, il va devant elles, et les brebis le suivent ; car elles connaissent sa voix ; mais elles ne suivent point un étranger, et elles fuient loin de lui, parce qu’elles ne connaissent point la voix des étrangers ». Ces paroles sont obscures, pleines de difficultés, grosses de mystères. Suivons donc et Écoutons le Maître ; il va soulever un coin du voile qui les couvre ; et par cela même qu’il nous ouvrira, il nous fera peut-être la grâce d’entrer.
7. « Jésus leur proposa cette similitude, mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait ». Ni nous non plus, peut-être. Quelle différence y a-t-il entre eux et nous, avant que nous saisissions nous-mêmes le sens de ces paroles ? C’est que nous frappons pour qu’on nous ouvre ; eux, au contraire, en refusant de reconnaître le Christ, ne voulaient point entrer pour se conserver ; mais ils prétendaient rester dehors, et devaient y trouver leur perte ; nous Écoutons donc avec un pieux respect les paroles du Sauveur ; avant de les comprendre, nous les considérons comme l’expression de la vérité et comme émanées de Dieu même ; voilà la distance qui nous sépare des interlocuteurs de Jésus. Lorsque deux personnes, l’une impie et l’autre pieuse, entendent les paroles de l’Évangile, ces paroles peuvent sembler si différentes aux deux personnes, qu’elles soient comprises par elles dans un sens tout opposé d’après celle-ci, le Sauveur n’aurait rien dit ; suivant l’opinion de celle-là, il aurait dit la vérité ; ses paroles seraient excellentes, seulement on ne les aurait pas saisies. Parce que l’une a la foi, elle frappe déjà et mérite qu’on lui ouvre, si elle continue à frapper ; pour l’autre, elle en est encore à entendre ces paroles : « Si vous ne croyez point, vous ne comprendrez pas[2] ». Pourquoi ces réflexions de ma part ? Le voici. Après que j’aurai expliqué de mon mieux ces obscures paroles, quelqu’un d’entrevous pourra encore ne pas les comprendre, soit parce qu’elles sont vraiment trop difficiles à pénétrer, soit parce que je n’en aurai pas découvert tout le sens, ou que mes expressions n’auront pas exactement rendu ma pensée ; soit, enfin, parce que son intelligence à lui serait lente et incapable de suivre mes explications : qu’il ne se désole pas, cependant ; que sa foi demeure ferme, qu’il marche tranquillement son chemin, qu’il prête l’oreille à cet avertissement de l’Apôtre : « Si vous avez d’autres pensées, Dieu vous éclairera ; cependant, par rapport aux choses que nous connaissons, ayons les mêmes sentiments [3] ».
8. Commençons donc à écouter l’explication que le Sauveur va nous donner de ses précédentes paroles a Jésus leur dit de « nouveau : En vérité, en vérité, je vous le « déclare : je suis la porte des brebis n. Il vient d’ouvrir la porte qu’il nous avait montrée fermée. Il est lui-même cette porte. Nous le reconnaissons. Entrons donc, ou réjouissons-nous d’être déjà entrés. « Tous ceux qui sont venus sont des voleurs et des brigands ». Seigneur, que veulent dire ces paroles : « Tous ceux qui sont venus ? » Eh quoi ! n’êtes-vous pas venu vous-même ? Veuillez donc me comprendre. En disant : « Tous ceux qui sont venus, sont des voleurs et des brigands », j’ai évidemment sous-entendu en dehors de moi. Reportons-nous donc en arrière. Avant la venue du Sauveur, les Prophètes ont paru ; étaient-ils des voleurs et des brigands ? Non, car, au lieu d’être en dehors de lui, ils étaient avec lui. Il avait envoyé devant

  1. 2 Tim. 2, 19
  2. Isa. 7,9, suiv. les Septante
  3. Phil. 3, 15, 16