autres ». Cette parole est courte, mais ne croyez pas qu’elle en soit plus obscure. Elle est courte ; afin qu’il soit toujours possible de la lire ; elle est claire, afin que personne n’ait le droit de dire : Je n’ai pu la comprendre. Les saintes Ecritures forment comme un immense trésor, qui renferme en grand nombre d’admirables préceptes lesquels sont comme autant de perles précieuses et de vases d’un grand prix. Mais qui peut scruter cet immense trésor, s’en servir, et en découvrir toutes les richesses ? Dans l’Evangile le Sauveur emploie cette comparaison : « Le royaume des cieux est semblable à un trésor trouvé dans un champ » ; puis, comme s’il eût craint que quelqu’un répliquât qu’il était incapable de fouiller pour découvrir ce trésor, il eut immédiatement recours à cette autre comparaison : « Le royaume des cieux est semblable à un négociant qui cherche de bonnes perles, en trouve une précieuse et, pour l’acheter, vend tout ce qu’il possédait ». Vous vous sentiez peut-être trop paresseux pour fouiller le trésor ; ne le soyez pas jusqu’au point de ne pouvoir porter une perle sous votre langue et de vous donner ainsi le droit de marcher en toute sécurité.
CHAPITRE III. COMMANDEMENT D’AIMER DIEU ET LE PROCHAIN.
3. Quelle est donc cette parole qui résume toutes les autres ? « Vous aimerez le Seigneur « votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre « âme et de tout votre esprit, et votre prochain « comme vous-même. C’est dans ces deux « préceptes que se trouvent toute la loi et les « prophètes 1 u. Voilà ce que l’on apprend dans la maison de la discipline : aimer Dieu, aimer le prochain ; Dieu pour lui-même et le prochain comme vous-même. Trouverez-vous quelqu’un que l’on puisse égaler à Dieu jusqu’à vous dire : aimez Dieu comme vous aimez telle créature ? Quant au prochain, l’on a pu trouver une règle, parce que vous êtes égal à votre prochain. Vous cherchez comment aimer le prochain ? Jetez les yeux sur vous-même, et aimez votre prochain du même.amour que vous vous aimez vous-même. L’erreur ici n’est point possible. Je veux donc vous confier votre prochain, afin que vous l’aimiez comme vous-même ; je le veux, mais je crains encore. Je veux vous dire : aimez votre prochain comme vous vous aimez vous-même ; et je crains ; en effet, je veux voir comment vous vous aimez vous-même. Point d’aigreur, je vous prie. Puisque votre prochain vous est confié, dois-je facilement vous quitter, et ne traiter avec vous que d’une manière transitoire ? Vous ne formez qu’un seul homme, et le prochain pour vous c’est la multitude des hommes. Ce n’est donc pas seulement un frère, un parent, un allié. Non, car tout homme a pour prochain tous les hommes à la fois. Le père et le fils, le beau-père et le gendre ont entre eux des liens très-étroits de proximité. Or rien ne saurait être aussi proche que l’homme l’est de son semblable. Et si vous étiez tentés de croire qu’il n’y a de proches entre eux que ceux qui sont nés des mêmes parents, rappelez-vous Adam et Eve et vous comprendrez que nous sommes frères. Nous sommes frères en notre simple qualité d’hommes, à combien plus forte raison en notre qualité de chrétiens ! Comme homme vous n’avez qu’un seul père, Adam, et qu’une seule mère, Eve ; comme chrétien, vous n’avez qu’un seul et même Père qui est Dieu, et qu’une seule et même mère qui est l’Église.
CHAPITRE IV. COMMENT DOIT S’AIMER CELUI A QUI IL EST ORDONNÉ D’AIMER SON PROCHAIN COMME LUI-MÊME.
4. Voyez donc de quelle multitude d’hommes chacun d’entre nous est le prochain. Tous les hommes que nous rencontrons, tous ceux à qui nous pouvons nous unir sont notre prochain. Comment alors discuter de quel amour s’aime celui qui a pour prochain tant d’hommes qu’il doit aimer comme lui-même ? Que personne ne s’irrite s’il me voit examiner comment il s’aime. A moi de discuter, à lui de se reconnaître dans mes paroles. Pourquoi discuter ? puis-je trouver l’état d’âme de chacun ? Je discute, afin que chacun s’interroge, afin que chacun se voie et se regarde sans déguisement, afin qu’il se considère en face, afin qu’il se pose devant ses propres yeux, sans se tourner le dos à lui-même. C’est là ce qu’il doit faire pendant que je parle, c’est là ce qu’il doit faire à mon insu. Comment vous aimez-vous ? Vous qui m’entendez, ou plutôt qui entendez le Seigneur par ma bouche, pendant