Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/20

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mandes[1]. Un jour, fatigué de remontrances, il va trouver son père, et lui déclare net qu’il ne veut plus continuer ses études : — « Tu veux donc être coutelier ? » — « De tout mon cœur. » Mais, le jeune apprenti avait sans doute la main malheureuse, car il gâtait plus de couteaux qu’il n’en fabriquait ; aussi, dut-on bientôt reconnaître qu’il n’avait aucune aptitude pour ces professions manuelles dont il devait pourtant faire, plus tard, de si lumineuses descriptions.

L’expérience faite, Denis revint au collége et poursuivit, dès lors, ses études sans interruption, d’abord à Langres, puis à Paris au collège d’Harcourt, toujours dans l’intention d’entrer dans les ordres. Toutefois, cette persévérance inaccoutumée ne devait pas être de longue durée. Le vent allait changer, et le canonicat de son oncle lui échapper au profit de son frère, lequel, disons-le, était bien plus propre à remplir convenablement les délicates fonctions d’un digne chanoine.

Parmi les condisciples de Diderot au collége d’Harcourt, se trouvait le jeune de Bernis (le

  1. Nous tenons d’un habitant de Langres qu’on voyait encore, il y a quelques mois, dans cette ville, au fond de la sombre et magnifique promenade de Blanche-Fontaine plantée d’arbres plus que séculaires, un arbre, remarquable par son ombrage et sa hauteur, sur le tronc duquel le jeune Denis s’asseyait pour se livrer à l’étude de ses classiques. Cet abri était devenu légendaire, et on l’avait surnommé l’arbre de Diderot. « Hélas, m’écrivait mon obligeant correspondant, il n’existe plus aujourd’hui : les nécessités de notre défense ont forcé de l’abattre : sa superbe envergure gênait le tir de quelques canons de la forteresse ! »