Page:Bédier - Les Fabliaux, 2e édition, 1895.djvu/37

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Mais on peut dire qu’il y a ici, réunis par un lien factice, deux livres en un : le premier qui serait d’un apprenti folkloriste, le second d’un apprenti romaniste.

Nous croyons pourtant que l’unité de ce travail n’est pas seulement dans son titre : Les fabliaux. Elle est tout entière dans cette proposition : l’étude d’un groupe de contes populaires quelconque, vaine si on tente de les suivre de migration en migration jusqu’à leur indécouvrable patrie, peut être féconde si on les considère sous la forme que leur a donnée telle ou telle civilisation. — Notre première partie propose et définit la méthode ; la seconde tente de l’appliquer. Elle est dans les nécessités du sujet ; et, si nous n’avions choisi les fabliaux, comme exemple nécessaire, il nous aurait fallu traiter d’un autre groupe quelconque de contes, soit des nouvelles de Straparole ou de Sacchetti, soit d’un autre recueil de contes populaires modernes, breton ou lorrain.

Celui qui écrit ces lignes doit à M. Gaston Paris plus qu’il ne saurait dire. Il y a sept ans, parmi les travailleurs français et surtout étrangers qui entouraient sa chaire, M. Gaston Paris distinguait le plus jeune, le plus anonyme de ses auditeurs, encore sur les bancs de l’École normale. Il l’admettait, sans lui faire subir le stage ordinaire des néophytes, à ces conférences du dimanche dont nul de ses anciens élèves ne perd jamais le souvenir ; il ouvrait sa Romania au premier travail de ce débutant. Quelques mois plus tard, par une inexplicable faveur, chaque semaine, à jour fixe, il l’appelait chez lui ; et pendant une année, le professeur de l’École des Hautes Études et du Collège de France donna à l’étudiant d’inoubliables leçons privées, en sorte que celui-ci n’apprit pas les éléments des méthodes de la