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ancienne littérature où M. G. Paris arrête son Histoire de la littérature française du moyen âge, et qui est celle de l’avènement des Valois.

I

Où les fabliaux ont-ils fleuri de préférence ? Y a-t-il quelque province qui soit leur patrie d’origine ou d’élection ? Peut-on les répartir géographiquement ?

Le problème était intéressant et facile à résoudre pour plusieurs fabliaux. Un certain nombre sont localisés par le fait que nous connaissons leurs auteurs et la province où vécurent ces poètes. La patrie de quelques autres est déterminée par des indications géographiques très précises. Quand ces renseignements extrinsèques faisaient défaut, j’ai tenté de déterminer le dialecte du poème par l’examen des rimes et de la mesure des vers. Je me suis heurté à de redoutables difficultés. Outre que l’on ne possède pas d’édition critique des fabliaux et que j’ai dû faire, pour plus d’un, le travail préalable, et plus d’une fois décevant, du classement des manuscrits, la majeure partie des fabliaux sont trop courts. Sur les deux cents rimes en moyenne, de chaque poème, combien peu étaient significatives d’un dialecte spécial ! J’ai poursuivi ce travail pour une cinquantaine de fabliaux environ. J’indique, à l’appendice, le résultat de quelques-unes de mes enquêtes. Elles sont souvent indécises. Sans doute le procédé de l’examen des rimes, ce délicat et puissant instrument d’analyse linguistique, aurait donné, manié par des mains plus sûres, de plus féconds résultats. Ce qui me rassure un peu, c’est que j’ai eu l’honneur, il y a quelques années, d’étudier à l’Université de Halle, sous M. Hermann Suchier, qui est assurément l’homme d’Europe le plus versé dans la connaissance de nos anciens dialectes. Or, après avoir examiné avec moi la langue d’un certain nombre de fabliaux, il m’a déconseillé de ma tâche, comme stérile, dans l’état actuel de cette science naissante. Les fabliaux qui ne sont pas localisés par quelque nom géographique ne deviendront jamais des témoins bien précieux de tel ou tel dialecte : au point de vue de la philologie pure, la question est donc de médiocre