Page:Bédier - Les Fabliaux, 2e édition, 1895.djvu/76

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Comme toute école naissante aime à se chercher des ancêtres et à se constituer une galerie de portraits de famille, l’école anthropologique invoque, comme précurseurs, Fontenelle et le président de Brosses, qui disait dès 1760, dans son livre intitulé Le culte des dieux fétiches  : « En général, il n’y a pas de meilleure méthode pour percer les voiles de l’antiquité que d’observer s’il n’arrive pas encore quelque part sous nos yeux quelque chose d’à peu près pareil[1] » Une idée aussi juste en soi et aussi simple a pu se présenter à beaucoup d’esprits, si bien que c’est l’un des plus déterminés védisants, Schwartz, qui, à en juger par une citation piquante de Mannhardt, a, le premier, donné une définition nette du système futur : « Selon Schwartz, dans la masse des légendes encore vivantes parmi le peuple, est enclose une mythologie inférieure, où survit un moment embryonnaire de la vie des dieux et des démons, bien que dieux et démons nous soient attestés, sous une forme plus développée, par des témoignages historiques fort antérieurs. Les légendes populaires ne nous transmettent donc pas, comme le voulait Grimm, un résidu déformé, un écho affaibli de la mythologie de l’Edda, mais au contraire les germes, les éléments fondamentaux d’où s’est développée la mythologie supérieure[2]. »

Pourtant, l’école ne prit vraiment conscience d’elle-même que le jour où E. Tylor appliqua systématiquement à la mythologie les méthodes de l’anthropologie comparée. Mannhardt, qui le suivit, mourut trop tôt. Mais l’école compte aujourd’hui, sous la digne conduite de M. Andrew Lang en Angleterre, de M. Gaidoz et de la vaillante Mélusine en France, une pléiade de partisans qui adoptent ces formules de M. Gaidoz : « Le vrai fondement des recherches mythologiques est un examen de l’état psychologique de l’homme, suivant la méthode de M. Tylor La mythologie s’explique par le folklore et les récits mythiques sont la combinaison et le développement d’idées du folklore. »

Quelle est donc l’attitude de l’école en présence des contes populaires ? « Le cannibalisme, dit M. Lang[3] la magie, les

  1. Cette phrase sert d’épigraphe au t. III de Mélusine.
  2. Mannhardt, Baum und Feldkulte, II, xxii.
  3. Il est juste de citer ici un passage étendu de M. Lang, où il expose son système. Nous l’empruntons au tome I de Myth, Ritual and Religion, chap. II.