Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/126

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t, luy ait fait naître une pensée dont il n’a été redevable qu’à la liberté de son esprit. Il n’étoit encore dans aucune nécessité de soûtenir que les bêtes n’ont point de sentiment, puisqu’il n’avoit pas le don de prévoir ce qui pourroit lui arriver vingt ans aprés. Il n’avoit pas alors de principes à sauver, n’en aiant encore établi aucun pour la philosophie nouvelle : au moins n’avoit-il encore lû à cét âge, ni Saint Augustin, ni Péreira, ni aucun auteur de qui il auroit pû prendre le sentiment de l’ame des bêtes. Cinq ou six ans aprés, M Descartes étant retourné de ses voiages à Paris, découvrit ce sentiment à quelques-uns de ses amis, et leur fit reconnoître qu’il ne pouvoit s’imaginer que les bêtes fussent autre chose que des automates. De sorte que ceux qui trouveront de la difficulté à lui attribuer ce sentiment dés l’an 1619 en auront moins pour croire que cette opinion lui est venuë dans l’esprit au plûs tard vers l’an 1625. Ils ne refuseront peut-être pas de s’en tenir au témoignage de M Descartes, qui nous apprend qu’elle lui étoit venuë quinze ou seize ans avant qu’il eût donné ses méditations métaphysiques. Au reste cette opinion des automates est ce que M Pascal estimoit le plus dans la philosophie de M Descartes.

Aprés la mort de Barneveld, le Prince D’Orange qui luy avoit d’ailleurs l’obligation du gouvernement général des provinces sur terre et sur mer, crut avoir applani les difficultez qui se trouvoient dans le chemin qu’il se fraioit à la souveraineté. Il ne songea plus qu’à s’assurer de l’assistance des princes de l’Allemagne et des autres quartiers du nord, mais principalement de ceux qui luy étoient parens, alliez, ou amis. Il sembloit n’avoir pas beaucoup à craindre des puissances catholiques qui étoient autour de la Hollande, et il présumoit que l’on ne verroit point naître d’obstacles, ou de diversions de la part du roy d’Espagne, ou des archiducs gouverneurs des Pays-Bas catholiques, tant que dureroit la tréve qui n’étoit pas inutile à l’avancement de ses affaires particuliéres. Mais tous ces avantages ne servirent de rien pour luy faire surmonter les difficultez de son dessein. Il fut fort surpris de voir que ceux qu’il avoit prévenus et animez contre Barneveld pour les mettre dans ses intérêts, se montrérent encore plus opposez