Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tous les avantages que le lieu de sa naissance lui donne, qu’il ne soit tres-facile de reconnoître qu’il a été transporté d’ailleurs. Vous publiez que vous avez appris beaucoup de choses de moy. Je n’en demeure pas d’accord. Mais je vous permets de vous servir des choses que vous croyez avoir apprises de moi, et de vous les attribuer, si vous le jugez à propos. Je ne les ay point écrites sur des regîtres, et n’ay point marqué le têms auquel je les ay pû inventer. Je suis neanmoins tres-assuré que quand je voudrai que les hommes sçachent quel est le fonds de mon esprit, si petit qu’il puisse être, il leur sera aisé de connoître que ces fruits viennent de mon fonds, et qu’ils n’ont point été cuëillis dans celui d’un autre.

Il y a un autre genre d’inventions qui ne vient point de l’esprit, mais de la fortune : et j’avouë qu’il demande quelque soin pour être garanti des voleurs.

Car si vous trouvez quelque chose par hazard, et que par un semblable hazard un autre vienne à entendre cela de vous : ce qu’il aura entendu sera aussi-bien à lui, que ce que vous aurez trouvé sera à vous ; et il aura autant de droit de se l’attribuer que vous. Mais de telles inventions ne méritent pas beaucoup de loüanges, sur tout lorsqu’elles sont d’aussi petite conséquence que tout ce qui est dans vôtre manuscrit, où je m’assure que l’on ne trouvera pas la moindre chose du vôtre qui vaille mieux que sa couverture.

Le troisiéme genre d’inventions est celui des choses qui n’étant que de tres-petite valeur ou méprisables en elles-mêmes, ne laissent pas d’être estimées par leurs inventeurs comme des choses de grand prix. Mais ces personnes au lieu de loüanges n’attirent que la risée et la compassion de ceux qui reconnoissent leur aveuglement.

Le Sieur Béeckman se vantoit d’avoir appris principalement deux choses à M Descartes, le tremblement des cordes, et l’hyperbole . M Descartes lui fit voir que la prémiére de ces deux connoissances lui étoit venuë d’Aristote ; mais qu’il ne juroit pas qu’Aristote qui avoit volé tant de philosophes ne fût aussi le voleur du Sieur Béeckman, auquel en ce cas-là il conseilloit d’appeller cet ancien en jugement pour le faire condamner à lui restituer sa pensée. Sur ce qu’il alléguoit de l