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SUR LES MANIÇHÉENS.

d’hora in hora non compassionare i Pontefici con venti frà loro contrarii e tutti infesti al corso di lei, eccetta l’aura dello Spirito Sancto [1].

Mais ayons aujourd’hui quelques égards pour les personnes de petite foi. Proposons quelques raisonnemens contre le manichéisme.

Je ne veux point l’attaquer par son endroit faible, c’est-à-dire que je ne veux point me prévaloir des absurdités palpables que les manichéens débitaient quand ils descendaient dans le détail des explications de leur dogme. Elles sont si pitoyables, que c’est les réfuter suffisamment que d’en faire un simple rapport. On en a vu ci-dessus quelque échantillon [2]. Faisons-leur quartier sur leur ridicule, et considérons seulement leur hypothèse dans la plus grande simplicité où on la puisse réduire.

Je ne me servirai point de cette objection de Simplicius [3] : le principe du bien et le principe du mal seraient contraires ; or ils ne pourraient être contraires qu’ils ne fussent sous un même genre ; il y aurait donc quelque chose au-dessus d’eux, et cette chose ne serait qu’une et aurait toute l’essence de principe ; ce serait donc elle qui serait proprement principe, et par conséquent il n’y aurait pas deux premiers principes, et ainsi la supposition de deux principes contraires implique contradiction. Cela est plus subtil que solide ; car les genres et les espèces n’existent que dans notre entendement, et de là vient que le genre sous lequel seraient les deux principes contraires ne serait au plus qu’une idée de notre esprit, comme l’idée générale de l’être qui, selon quelques philosophes chrétiens, est univoque à Dieu et aux créatures [4].

Les autres raisonnemens de Simplicius ont beaucoup plus de solidité [5]. Il fait voir à ceux qui admettent deux principes, l’un du bien l’autre du mal, que leur opinion est tout-à-fait injurieuse au Dieu qu’ils appellent bon ; qu’elle lui ôte pour le moins la moitié de la puissance, et qu’elle le fait timide, injuste, imprudent et ignorant. La crainte qu’il eut d’une irruption de son ennemi, disaient-ils, l’oblige à lui abandonner une partie des âmes afin de sauver le reste. Ces âmes étaient des portions et des membres de sa substance, et n’avaient commis aucun péché. Simplicius conclut de là qu’il eut de l’injustice à les traiter de la sorte, vu principalement qu’elles devaient être tourmentées, et qu’au cas qu’elles contractassent quelque souillure, elles devaient demeurer éternellement au pouvoir du mal. Ainsi le bon principe n’avait point su ménager ses

  1. Pallav. Istor. del Concilio di Trento, lib. V, cap. XIII. Je rapporte ses paroles comme je les trouve dans l’Évangile nouveau, ch. IV, art. I, pag. 142.
  2. Dans la rem. (B) de l’article Manichéens, tom. X, p. 189, et dans la rem. (F) de l’article Zoroastre, p. 94. Voyez aussi la rem. (E) de ce dernier article.
  3. Simplic., in Epicteti Enchir., capite XXXIV, pag. 163. Édit. Lugd. Bat. 1640.
  4. Voyez ci-dessus tom. II, pag. 405. la rem. (B) de l’article Arnauld (Antoine), docteur de Sorbonne.
  5. Simpl., in Epicteti Enchir., cap. XXXIV, pag. 165.