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ET CRITIQUE

fut un de ceux qui le regretta davantage : en quoy il fit bien paraître qu’il avoit complètement oublié les mauvais offices qu’il en avoit reçus ». (Vie de M. de Sainct Gelais, publiée par Gell. des Seguins en 1863 ; cf. les Elogia de Sc. de S. Marthe, livre II, publié en 1602, art. Mellinus Sangelasius, p. 122.)

P. 21, l. 23. — durant son règne. Le projet de la Franciade remonte plus haut que ne le croit Binet. Dès 1549 Ronsard écrivait dans l’Hymne de France :

Et Jupiter à main gauche a tonné,
Favorisant le François, qu’il estime
Enfant d’Hector, sa race legitime
(Bl., V, 280) ;


dans l’ode pindarique A Bouju Angevin : « Mais mon ame n’est ravie | Que d’une bruslante envie | D’oser un labeur tenter | Pour mon grand Roy contenter... (Bl., II, 106 ; et à la fin de l’ode A Calliope :

Je veus sonner le sang Hectorean,
Changeant le son du Dircean Pindare
Au plus haut bruit du chantre Smyrnean.
(Bl., II, 136.)


Dès avril 1550, il présentait au Roi, dans l’Ode de la Paix, une esquisse de la Franciade qui diffère peu des grandes lignes de l’épopée qu’il publia en 1572. — Trois autres pièces, écrites en pleine querelle avec Saint-Gelais et les poètes de Cour, parlent de la « Franciade commencée » : le sonnet Ja desja Mars..., l’ode A Michel de L’Hospital et l’ode A Claude de Ligneri (Bl., I, 42 ; II, 87 et 338).

Puis, la querelle terminée, et Lancelot Carle ayant lu à Henri II, en janvier 1554, avec force louanges, un « dessein » de la Franciade (cf. Magny, Gayetez, ode A Lancelot de Carle, achevé d’impr. 23 juin 1554, réimpr. Blanchemain, p. 88), le Roi exhorta Ronsard à composer la dite épopée. On le sait par l’élégie A Cassandre : « Mon œil, mon cœur... » et l’ode A Mr d’Angoulesme, écrites en 1554 (Bl., I, 124 ; II, 197).

Mais Ronsard ayant réclamé une récompense anticipée, telle qu’une abbaye, dont les revenus lui permissent de composer à loisir cette œuvre de longue haleine, et le Roi ayant fait la sourde oreille ou lui ayant fait de vagues promesses, Ronsard suspendit et finalement abandonna son travail. Voir l’ode de 1554, Nagueres chanter je voulois ; la dédicace des Odes de 1555, et l’ode Au Roy qui parut à la même date en tête du 3e livre ; l’épître au Cardinal de Lorraine, publiée dans les Hymnes de 1556 ; un sonnet de 1556, Roy qui les autres Roys ; un sonnet à d’Avanson de 1558, Entre les durs combats ; une Complainte à la Royne Mere de 1563 (Bl., II, 273, 21, 172 ; VI, 287, V, 302, 335 ; III, 377, et VII, 138).

On peut voir encore sur le projet de la Franciade, agréée de Henri II, attendue par toute la Brigade, mais abandonnée par Ronsard faute d’espèces sonnantes, Magny, Odes, éd. Courbet, I, 69 ; Du Bellay, sonnets xix, xxii, xxiii des Regrets ; Cl. Buttet, rééd. du Bibliophile