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ET CRITIQUE

français des frères Parfaict, qui citent Pasquier. Mais d’abord Pasquier ne donne aucune date et se contente de dire : « Ceste comedie (la Rencontre) et la Cleopâtre furent représentées devant le roi Henri à Paris, en l’Hostel de Reims, avec un grand applaudissement de toute la compagnie, et depuis encore au college de Boncour, où toutes les fenestres estoient tapissées d’une infinité de personnages d’honneur, et la cour si pleine d’escoliers que les portes du college en regorgeoient. Je le dis comme celui qui y estoit present, avec le grand Tornebus, en une mesme chambre. Et les entreparleurs estoient tous hommes de nom : car mesme Remy Belleau et Jean de la Peruse jouoient les principaux roulets. » (Rech. de la Fr., VII, ch. vi.) — Ensuite la date de 1552 n’apparaît au xvie siècle que dans la préface écrite par Ch. de la Mothe pour l’éd. princeps des Œuvres de Jodelle (1574 ; réimpr. par Marty-Lav., I, 5), et rien n’empêche de croire que ce biographe a suivi l’ancienne manière de dater. Tout porte à croire au contraire qu’il faut lire 1553, d’après le nouveau style, et que la fête en l’honneur de Jodelle eut lieu durant le carnaval de 1553.

Pour la discussion, v. ma thèse sur Ronsard p. lyr., p. 100, note 2. Aux arguments que j’y présente il faut ajouter une lettre de Lambin à Prévost, régent du collège de Boncourt, qui avait dû assister à la représentation de la Rencontre et de Cleopâtre (Rev. d’Hist. litt. de 1906, p. 495, art de H. Potez). Cette lettre, où Lambin remercie Prévost de lui avoir vanté les nouvelles œuvres dramatiques françaises, est datée du 10 mars 1553. Il est plus que probable qu’elle a été écrite dans les semaines qui ont suivi le succès de Jodelle, et non treize mois après.

P. 24, l. 29. — mises au jour. Allusion au recueil des vers qui parut en avril 1553 sous ce titre : Livret de Folastries A Janot Parisien Plus quelques Epigrames grecs et des Dithyrambes chantés au bouc de E. Jodelle poëte tragiq. Paris, chez la Veuve M. de la Porte. (V. ma thèse sur Ronsard p. lyr., pp. 93 et suiv.) Ce recueil est anonyme et Binet a cru (ou feint de croire pour décharger la mémoire de son maître) qu’il était l’œuvre de plusieurs poètes. Or il n’en est rien. Toutes les pièces qu’il contient ont pour auteur Ronsard, car elles ont toutes été réimprimées en ordre dispersé dans ses œuvres les années suivantes, sauf la Folastrie VIII, intitulée Le Nuage ou l’Yvrongne, les épigr. 10 et 13 et les deux sonnets lubriques de la fin. E. Pasquier semble avoir été mieux renseigné (ou plus franc) que Binet sur ce point-là : « Il n’est pas qu’en folastrant il (Ronsard) ne passe d’un long entrejet des poëtes qui voulurent faire les sages... Lisez un petit livre qu’il intitula les Folastries, où il se dispensa (se permit) plus licencieusement qu’ailleurs de parler du mestier de Venus... il seroit impossible de vous en courroucer sinon en riant. » (Rech. de la Fr., VII, ch. vi.)

Ce recueil de 1553 fut reproduit en 1584 sous le même titre, intégralement et page pour page, augmenté seulement de deux petites pièces anodines qui sont également de Ronsard, mais sans nom de lieu ni d’éditeur. C’est probablement cette réédition (due, suivant Bl., à la vengeance de quelque huguenot) que Binet a consultée. Il a pu aussi s’inspirer de la dédicace d’une pièce publiée par Baïf au livre IV de