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avons brièvement caractérisé à la fin de notre chapitre I.

Ce retour à l’antiquité était sans doute nécessaire pour consolider les principes de l’algèbre naissante, mais il présentait pourtant des inconvénients. En particulier, les constructions géométriques des anciens étaient liées, comme nous l’avons vu, à des procédés de démonstration compliqués ; l’emploi systématique de ces constructions aurait donc fait perdre au calcul algébrique les avantages principaux que l’on attendait d’elle, la brièveté, et la commodité. Et c’est pourquoi, — volontiers éclectiques, — les savants de la Renaissance, tantôt se donnent beaucoup de peine pour déduire rigoureusement les règles de l’algèbre des théories géométriques classiques, tantôt reviennent à l’improviste à la méthode orientale, qui consiste à poser ces règles sans les justifier ou, simplement, à traiter les quantités algébriques comme des nombres arithmétiques sans chercher aucunement à légitimer cette assimilation. Ainsi ont procédé en maintes circonstances, Viète, Albert Girard, Stevin, Hérigone.

La figuration géométrique, pourtant, était bien propre à fournir à l’Algèbre la base théorique qui lui faisait défaut. Mais il fallait, pour cela, que le principe en fût réformé. Cette réforme nécessaire fut accomplie par Descartes[1].

Tâchons de bien saisir, sur la question qui nous occupe, la pensée du grand philosophe ; cette pensée en effet n’a pas toujours été exactement comprise, sans doute parce qu’elle a été exposée en plusieurs fois, dans des ouvrages écrits à des points de vue différents, sans

  1. Cf. le Descartes de Louis Liard (F. Alcan, Paris, 1882), liv. II, notre étude sur l’Imagination et les Mathématiques selon Descartes, 1900, et les Étapes de la philosophie mathématique de L. Brunschvicg, chap. VII et VIII.