Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/103

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doute aussi parce qu’elle est d’un caractère subtil et devance, sur plusieurs points, les progrès techniques de la science.


On a souvent discuté sur la relation de l’Algèbre à la Géométrie dans l’œuvre de Descartes, — question d’autant plus naturelle que Descartes nous enseigne les règles de son algèbre dans un traité intitulé « Géométrie ». Sans reprendre ici cette discussion, disons que, en dépit de certaines apparences, l’opinion la plus généralement répandue sur le compte de la géométrie cartésienne ne paraît pas avoir été infirmée par les études récentes des historiens. Bien que le traité de 1637 contienne autant ou plus d’algèbre que de géométrie, et ait pour conclusion une théorie des équations, la géométrie cartésienne n’est nullement, dans la pensée de son auteur, une introduction à l’algèbre, mais au contraire une application de l’algèbre à la géométrie. En d’autres termes, l’algèbre, selon Descartes, précède logiquement les autres branches des Mathématiques, et elle n’est aucunement conditionnée par la nature des problèmes auxquels on l’applique.

Qu’est-ce donc que la méthode algébrique, envisagée en dehors de ses applications ? Le cartésien Érasme Bartholin nous l’explique dans la Préface qu’il a écrite pour l’édition latine de la Géométrie[1]. « Dans les commencements — dit-il — il a été utile et nécessaire de donner des auxiliaires à notre faculté de spéculation pure : c’est pourquoi les géomètres ont eu recours aux figures, les arithméticiens aux signes numériques, d’autres à d’autres procédés. Mais de tels procédés paraissent peu

  1. Geometria à Renato Descartes, 2e éd., t. I, 1639, p. 4.