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combinés se trouvent être des nombres arithmétiques ou des rapports géométriques, il y ait coïncidence entre les opérations résultant de ces définitions et les opérations de même nom considérées en Arithmétique ou en Géométrie.

Cependant les conditions qui régissent et légitiment l’emploi de la méthode des définitions conventionnelles[1] n’avaient pas été étudiées d’assez près par Descartes pour qu’il pût se fier exclusivement à cette méthode. Le Calcul de M. Descartes n’est en somme qu’un mémento, où n’apparaît qu’un seul aspect de l’algèbre cartésienne. Pour se faire de celle-ci une idée complète, il la faut étudier dans le livre II de la Géométrie et dans les traités complémentaires ajoutés à cet ouvrage par les commentateurs de Descartes[2]. Or il résulte manifestement de ces écrits que Descartes, pour établir et exposer en détail les principes de son algèbre, ne croyait pas pouvoir se passer — en fait — de la figuration géométrique.

Cela admis, quelle portée au juste, quelle signification, faut-il attribuer à la figuration ainsi employée ? Si nous comprenons exactement son point de vue, Descartes, en

  1. Le type de la définition conventionnelle est la définition du nombre qu’a donnée Christian Wolf en 1717 et que nous avons rapportée plus haut (page 72) : Quidquid refertur ad unitatem ut linea recta ad aliam rectam numerus dicitur. En fait ce ne peut être qu’au moyen d’une série de conventions que l’on élargit progressivement la notion du nombre susceptible d’être représenté par un signe algébrique nombre entier, puis rationnel, — puis irrationnel défini par une opération arithmétique (comme √2), — puis rapport (ou mesure de longueurs ou de grandeurs de même espèce), — puis nombre relatif (positif ou négatif), — plus tard, nombre imaginaire. — Descartes évite, en algèbre, de se servir du mot nombre, employant de préférence le mot quantité.
  2. Traités publiés dans l’édition latine de la Géométrie.