Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cèdent d’une même conception — la conception synthétiste de la science. Quels sont donc exactement les caractères qui les distinguent l’une de l’autre ?

C’est ici qu’il faut se garder de confondre les vues philosophiques des deux penseurs avec leurs idées proprement mathématiques. Sur la nature et l’objectivité des notions scientifiques, sur les principes du mécanisme et de la physique, sur les conditions de la connaissance mathématique et sur le rôle de l’intuition (nous reviendrons plus loin sur ce dernier point), Descartes et Leibniz ont des doctrines différentes. Mais ces doctrines — qui dépassent infiniment le champ où se meut la Mathématique du xviie siècle et même celle de notre temps — n’ont point exercé d’influence directe sur la construction de leurs systèmes algébriques. Ces systèmes se distinguent surtout par cette circonstance que l’un effectue sur des combinaisons infinies ce que l’autre fait sur le fini. Or, est-ce là, du point de vue technique, une différence essentielle ?

Comme l’algèbre cartésienne, celle de Leibniz s’appuie sur la représentation géométrique des fonctions par rapport à des axes de coordonnées[1] ; l’une et l’autre pratiquent les mêmes opérations et ramènent l’étude des problèmes à la résolution de certaines équations ; l’une et l’autre procèdent en combinant des signes algébriques et ont par conséquent pour base un système d’écriture symbolique. Ce dernier caractère de l’algèbre a surtout

  1. Leibniz a signalé lui-même l’influence qu’avait exercée sur son esprit la lecture de la Géométrie de Descartes (en même temps que la lecture de Pascal) au moment où son attention fut portée sur le triangle caractéristique relatif à la tangente à une courbe (Voir plus haut, p. 115).